Le monde agricole français est en ébullition suite à l’annonce d’un accord trouvé au Parlement sur une nouvelle loi d’orientation agricole. Mais alors que le texte se veut porteur d’une « souveraineté alimentaire » renforcée, il suscite la colère des associations environnementales qui y voient un recul inédit et dangereux pour la protection de la nature.
Des « régressions environnementales sans précédent » pointées du doigt
Pour la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), cette loi qui pourrait être définitivement adoptée dans les prochains jours constitue ni plus ni moins qu’une « loi contre l’environnement ». Dans un communiqué au vitriol, l’organisation appelle purement et simplement « au rejet du texte », fustigeant des « régressions environnementales sans précédent ».
Un avis partagé par de nombreuses ONG de défense de l’environnement, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux à France Nature Environnement en passant par le WWF. Dans une déclaration commune, elles dénoncent les « reculs inédits » que seraient susceptibles d’entraîner l’adoption de ces nouvelles dispositions :
Ces reculs inédits rompent avec des décennies de progrès en matière de protection de l’environnement. À l’heure où l’effondrement de la biodiversité et le réchauffement climatique imposent un profond changement de paradigme dans nos modes de production et de consommation alimentaires afin de réconcilier l’agriculture et la nature, ce projet de loi perpétue à l’inverse un système productiviste obsolète et délétère.
Pesticides et élevages intensifs au cœur des critiques
Parmi les points les plus décriés figure la mesure invitant le gouvernement à « s’abstenir d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne » en l’absence d’alternatives viables. Une règle du « pas d’interdiction sans solution » martelée par le principal syndicat agricole (FNSEA) et jugée bien trop laxiste par les écologistes.
Ceux-ci s’alarment notamment d’un possible retour en grâce des pesticides néonicotinoïdes, pourtant connus pour leur impact désastreux sur les abeilles et les pollinisateurs. Selon la FNH, le texte « traduit la volonté des sénateurs d’abandonner toute volonté politique de réduire leurs usages, y compris pour les néonicotinoïdes, alors que leurs effets sur la santé sont documentés et alarmants ».
Autre grief majeur : la simplification des procédures pour la construction et l’agrandissement d’élevages intensifs. Ces derniers posent pourtant de sérieux problèmes environnementaux, entre pollution des sols et de l’eau par les effluents, émissions de gaz à effet de serre et traitements sanitaires problématiques. De nombreux défenseurs de la nature déplorent ainsi que le texte « facilite » ce modèle plutôt que d’encourager une transition vers des élevages plus respectueux du bien-être animal.
Mobilisation pour « renoncer à ces mesures »
Face à ce qu’elles considèrent comme une « régression historique pour l’environnement en France », les associations environnementales appellent le gouvernement et les parlementaires à un sursaut de dernière minute. La demande est claire : « renoncer à ces mesures » qui remettraient en cause des avancées durement acquises.
Mais à quelques jours du vote final, l’exécutif semble peu enclin à infléchir un texte voulu comme un gage accordé au monde agricole, ébranlé par des années de crises à répétition. L’objectif affiché de renforcer la « souveraineté alimentaire » de l’Hexagone, mis en avant suite à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine, pourrait bien l’emporter sur les préoccupations écologiques.
Un équilibre subtil à trouver donc, entre soutien aux agriculteurs durement touchés et prise en compte des enjeux environnementaux de long terme. Un dilemme cornélien dont les termes ne manqueront pas de continuer à faire débat, bien au-delà de l’adoption de cette controversée loi d’orientation agricole. Car au fond, c’est bien un choix de société qui est ici en jeu : quel modèle agricole et alimentaire voulons-nous pour le futur ?