Un drame qui ébranle l’Afrique du Sud et sa communauté LGBTQ. Muhsin Hendricks, 58 ans, connu pour être le premier imam ouvertement gay au monde, a été froidement abattu samedi en pleine rue de Gqeberha. Cet homme décrit comme affable et bienveillant avait fait de sa vie un combat pour le droit d’être soi, loin des carcans et de l’hypocrisie imposée par le regard des autres. « Voici qui je suis. Et si cela veut dire que je risque d’être tué, c’est ainsi que je choisis de rencontrer Dieu », confiait-il dans un entretien. Des paroles prémonitoires pour celui qui savait sa vie menacée mais avait choisi de ne pas se cacher.
Un imam engagé malgré les menaces
Petit-fils d’imam élevé dans une famille conservatrice, Muhsin Hendricks avait fait son coming out il y a près de 30 ans après des études au Pakistan et un mariage malheureux. Divorcé à 29 ans, il avait décidé de ne plus mener de double vie et d’assumer pleinement son homosexualité. Un choix courageux dans un pays où, malgré des lois progressistes, les discriminations et violences à l’encontre des personnes LGBTQ restent fréquentes. Son engagement l’avait conduit à fonder la « mosquée ouverte », un lieu d’accueil et de formation pour les musulmans cherchant comme lui à conjuguer foi et orientation sexuelle.
Avec la communauté musulmane, c’est une relation ‘à l’amour, à la haine’. Parfois, ils aimeraient me jeter du haut d’une montagne. D’autres fois, ils apprécient qu’il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu’ils ne veulent pas accueillir.
Muhsin Hendricks
Malgré les menaces régulières, en ligne comme au quotidien, l’imam ne reculait pas. Il avait notamment dénoncé en 2022 une fatwa condamnant l’homosexualité émise par un groupe musulman sud-africain. Sa théologie était celle d’un « Dieu d’amour radical et de justice pour tous », selon le Centre pour un islam contemporain. Au-delà de la communauté queer, sa porte était ouverte « aux réfugiés, aux sans-abri, aux marginalisés ». Un message d’amour et de tolérance qu’il n’a cessé de porter, y compris dans ses derniers messages sur les réseaux sociaux.
Enquête en cours sur cet assassinat ciblé
Si la police enquête sur ce meurtre, elle s’abstient pour l’instant de le qualifier de crime haineux. Une vidéo authentifiée montre pourtant l’attaque ciblée dont a été victime Muhsin Hendricks, sa voiture bloquée par un autre véhicule avant que des tirs ne soient dirigés contre lui par un mystérieux assaillant qui a ensuite pris la fuite. Dans un pays qui compte la plus importante communauté musulmane d’Afrique, ce drame fait trembler les fidèles LGBTQ. « Il incarnait pour beaucoup la possibilité réelle d’être à la fois une personne queer et un croyant », souligne une proche. Sa mort les rend « soudainement beaucoup plus vulnérables ».
Un héritage de courage et de combat pour l’authenticité
Plus qu’un guide spirituel, l’imam Muhsin était devenu un symbole de courage et de lutte contre l’hypocrisie. Selon ses proches, il s’employait à « autonomiser et éduquer les gens en remettant en question le dogme de façon aimante et compatissante ». Un héritage précieux pour tous ceux qui aspirent à vivre authentiquement, quelles que soient leur foi ou leur orientation. Si sa mort tragique soulève de nombreuses questions, elle ne doit pas faire oublier le lumineux message porté par cet homme qui n’a jamais renoncé à être lui-même, allant jusqu’au sacrifice ultime. Un appel à l’amour et à la vérité qui, espérons-le, continuera de résonner bien au-delà de sa disparition.
