Il fut l’un des plus grands écrivains français du XXe siècle, mais aussi l’une de ses figures les plus controversées. Louis-Ferdinand Céline, génie littéraire à la plume incandescente, auteur d’œuvres majeures comme “Voyage au bout de la nuit”, reste indissociable de ses pamphlets antisémites qui ont terni sa réputation. Pourtant, depuis sa disparition en 1961, des passionnés s’emploient à faire revivre son œuvre et à la réhabiliter, tel un trésor national à préserver des outrages du temps et des polémiques.
François Gibault, l’avocat de la cause célinienne
Parmi ces gardiens du temple célinien, François Gibault occupe une place de choix. Brillant avocat et cavalier émérite, cet homme à la personnalité romanesque a consacré une grande partie de sa vie à défendre la mémoire et l’héritage littéraire de Céline. Devenu le conseil de Lucette Destouches, la veuve de l’écrivain, Gibault a œuvré sans relâche pour faire publier ses œuvres posthumes et le réhabiliter aux yeux du grand public.
Ma vie a basculé le jour où j’ai rencontré Lucette. J’ai découvert l’homme derrière le monstre, un écrivain habité par son art, torturé, mais profondément humain.
François Gibault
Grâce à son action persévérante, des textes majeurs comme “Féerie pour une autre fois” ou la trilogie allemande ont pu voir le jour. Gibault a également signé une biographie de référence, permettant de mieux cerner la complexité de l’homme et de l’artiste.
Luchini, le passeur de mots
Un autre grand défenseur de Céline n’est autre que le comédien Fabrice Luchini. Véritable amoureux de la langue, il voue une passion dévorante à l’auteur du “Voyage”, dont il s’est fait le porte-parole inlassable sur scène comme à la ville. Par ses lectures publiques électrisantes, Luchini a su redonner vie aux mots de Céline, faisant résonner toute la force et la musicalité d’une écriture hors du commun.
Lire Céline, c’est comme recevoir une décharge électrique. Chaque phrase est un uppercut, un éblouissement. Il a révolutionné la langue française !
Fabrice Luchini
Indissociable de l’œuvre célinienne, Luchini a largement contribué à la faire redécouvrir au public, loin des polémiques et des raccourcis.
L’écrivain et ses fantômes
Mais si Céline fascine et dérange encore tant, c’est bien sûr en raison des zones d’ombre qui planent sur son parcours. Ses trois pamphlets antisémites, publiés à la fin des années 1930, restent une tache indélébile. Comment un même homme a-t-il pu écrire le sublime “Voyage au bout de la nuit” et l’ignoble “Bagatelles pour un massacre” ? C’est tout le mystère d’une personnalité ambivalente, écartelée entre le meilleur et le pire.
Condamné à la Libération, Céline s’exile au Danemark avec Lucette. Il ne reviendra en France qu’en 1951, pour finir ses jours dans la tristesse et la paranoïa, terré dans son pavillon de Meudon. Il laisse une œuvre romanesque hors normes, célébrant les pauvres et les marginaux dans une langue révolutionnaire, mais entachée par ses délires antisémites.
La bataille pour l’héritage célinien
Depuis, le combat des ayants droit et des passionnés a permis de faire la part belle au Céline écrivain. Des publications régulières, comme sa correspondance ou ses cahiers de prison, révèlent un homme plus complexe que les caricatures. En 2011, son entrée dans la prestigieuse collection de La Pléiade a marqué une étape décisive vers une reconnaissance dépassionnée.
Aujourd’hui encore, la bataille pour l’héritage célinien fait rage, comme l’ont montré les récentes polémiques autour de la réédition des pamphlets. Mais par-delà les débats, une certitude demeure : Céline est un géant de la littérature, un créateur incomparable dont l’œuvre unique ne peut être réduite à ses dérives idéologiques. C’est ce que François Gibault, Fabrice Luchini et quelques autres s’emploient à rappeler, pour que vive la flamme d’un artiste maudit.