Le football français traverse une période des plus tumultueuses. Alors que la saison bat son plein, un vent de discorde souffle entre DAZN, le principal diffuseur de la Ligue 1, et la Ligue de Football Professionnel (LFP). Au cœur du litige : le respect des conditions du contrat de diffusion et la lutte contre le piratage. Face aux pertes abyssales de DAZN et à son incapacité à atteindre ses objectifs d’abonnés, l’avenir de la diffusion du championnat semble plus qu’incertain.
DAZN et LFP : le torchon brûle
Tout avait pourtant bien commencé. En acquérant les droits TV de la Ligue 1 en quasi-exclusivité pour 375 millions d’euros par an jusqu’en 2029, DAZN pensait tenir le jackpot. Mais six mois après, la plateforme britannique déchante. Avec seulement 500 000 abonnés au compteur, bien loin des prévisions initiales, les pertes s’accumulent.
Excédé, DAZN a choisi l’épreuve de force en assignant la LFP pour non-respect des clauses contractuelles. Parmi les griefs : des moyens jugés insuffisants dans la lutte anti-piratage et un manque d’implication des clubs pour valoriser le produit Ligue 1. En guise de représailles, DAZN a bloqué 35 millions d’euros sur un compte séquestre et réglé seulement la moitié de l’échéance due début février.
Une facture contestée
Devant ce tour de vis, la LFP n’est pas restée les bras croisés. Le 14 février, elle a réclamé devant la justice le paiement intégral de la facture en souffrance. Si les différends s’enveniment, une rupture prématurée du contrat n’est plus à exclure. Un scénario catastrophe pour le foot français.
Une clause de sortie à double tranchant
Pour corser l’affaire, une clause de résiliation anticipée a été prévue au contrat. Elle permet à chaque partie de jeter l’éponge dès décembre prochain si DAZN n’atteint pas 1,5 million d’abonnés. Un cap qui semble inatteignable au vu de la conjoncture actuelle et des précédents fiascos des diffuseurs de la Ligue 1.
La chaîne Ligue 1, un plan B dans les cartons
En cas de désengagement de DAZN, la LFP devra trouver une alternative dans l’urgence. Pas simple dans un marché atone où les candidats ne se bousculent plus au portillon pour acquérir les droits du championnat, au vu des échecs répétés.
Consciente que lancer un nouvel appel d’offres s’apparenterait à une mission impossible, la LFP garde en réserve son projet de chaîne dédiée, LFP Media. Plébiscitée au printemps dernier avant d’être remisée au placard sous la pression des présidents de clubs, cette option reste plus que jamais d’actualité.
L1 Max : une offre alléchante mais risquée
Pour donner corps à cette chaîne Ligue 1, un partenariat avec la plateforme de streaming Warner Bros Discovery (ex-Eurosport) avait été ébauché cet été. Baptisé « L1 Max », ce service aurait donné accès à 100% des matches de l’élite mais aussi à un vaste catalogue de films, séries, documentaires et contenus sportifs, le tout pour 27,99 € par mois.
Un ticket d’entrée élevé alors que les fans de foot rechignent à multiplier les abonnements, mais qui pouvait faire mouche en offrant une visibilité sans précédent au championnat. Encore eut-il fallu trouver un modèle économique équilibré et convaincre les opérateurs de distribuer ce nouveau service.
Une trésorerie en apnée
Faute de recettes immédiates, ce projet expose aussi les clubs à un risque majeur de trésorerie. Déjà exsangues avec des droits TV domestiques au plus bas depuis 15 ans, ils devront serrer la ceinture encore plus si cette chaîne Ligue 1 tarde à décoller et générer des revenus. Un pari osé mais qui pourrait être l’ultime recours.
L’avenir en pointillés du foot français
Cette crise des droits TV, la énième depuis le fiasco Mediapro en 2020, fait peser une lourde hypothèque sur l’avenir de la Ligue 1. Déjà distancés sportivement et économiquement, nos clubs risquent un décrochage brutal si les robinets financiers se tarissent.
Dans un foot business mondialisé où les ligues anglaise, espagnole et allemande trustent les meilleurs joueurs et s’arrogent les plus gros contrats de diffusion, la L1 joue sa survie. Sans visibilité et avec des moyens limités, difficile dans ce contexte d’enrayer la fuite des talents, de garder ses stars et d’entretenir l’intérêt des diffuseurs comme des fans.
À l’heure où le Paris SG, locomotive du championnat, vacille, c’est toute la fusée Ligue 1 qui menace d’imploser. Il y a urgence à trouver un nouvelle formule pour sécuriser l’avenir et redonner de l’allant à notre élite. Rééquilibrage des forces, plafonnement des salaires, réforme des droits TV avec une répartition plus juste : de profonds changements s’imposent pour redonner de la valeur au produit Ligue 1 et assainir sa gouvernance. Sous peine de voir le foot français sombrer durablement dans une crise existentielle.