Dans de nombreux ports français, les dockers sont en grève depuis plusieurs semaines pour défendre leurs régimes spéciaux de retraite. Un mouvement social qui perturbe fortement l’activité portuaire et pourrait avoir de lourdes conséquences économiques si la situation perdure. Retards de livraison, pertes financières pour les transporteurs, risques de pénuries dans les magasins… La paralysie des ports inquiète de nombreux acteurs.
Des ports à l’arrêt, des transporteurs exaspérés
D’après une source proche du dossier, une dizaine de ports français seraient actuellement touchés par les débrayages des dockers, notamment ceux du Havre, de Dunkerque, de Marseille ou encore de Lorient. Au cœur des revendications : le relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite prévu par la réforme en cours.
Au Havre, des arrêts de travail de quatre heures ont lieu tous les trois jours, bloquant une centaine de camions aux abords du port. Une situation intenable pour les chauffeurs routiers comme Gérard Soufflet, qui accumule les retards de livraison :
Le container que je dois prendre est censé être livré demain à 10h. Je ne pourrai pas. Ça ne sera que, vraisemblablement, jeudi matin.
Gérard Soufflet, chauffeur routier
Conséquence directe : les clients s’impatientent et les surcoûts s’accumulent pour les entreprises de transport, comme l’explique Gérard Siohan, à la tête d’une société de 16 chauffeurs :
Nous payons nos chauffeurs à l’heure, ça nous impacte économiquement. Si au lieu de passer une heure ou deux à charger un camion, on passe quatre heures, c’est un surcoût pour les entreprises de transport.
Gérard Siohan, patron d’une entreprise de transport
Des pertes financières importantes pour le secteur
Selon François Daniel, délégué général de TLF Overseas, les transporteurs enregistrent des baisses de chiffre d’affaires conséquentes depuis le début du mouvement :
On estime à 21% de perte de chiffre d’affaires en janvier, dans une conjoncture nationale déjà tendue pour les transporteurs. Et on anticipe une perte de chiffre d’affaires de 25% en février 2025.
François Daniel, délégué général TLF Overseas
Du côté des syndicats professionnels, l’inquiétude grandit face à un possible durcissement de la grève. L’Union TLF craint ainsi pour ses adhérents une perte d’un quart de leur chiffre d’affaires en février en cas de conflit prolongé.
Vers un détournement du trafic et des pénuries dans les magasins ?
Outre l’impact immédiat sur l’activité des transporteurs, TLF Overseas s’alarme d’un report des flux maritimes vers les grands ports concurrents européens, comme Anvers, Rotterdam ou Barcelone. Une perte de parts de marché durable pour les infrastructures portuaires françaises si le conflit venait à s’enliser.
Mais la principale crainte reste celle de pénuries dans les commerces hexagonaux, comme le souligne Marie Lee, experte logistique :
Pour les commerces français, il n’y aura pas d’impact si la grève ne dure pas longtemps. Si la grève s’éternise, dans ce cas-là, on peut s’attendre à quelques pénuries de produits importés dans les magasins.
Marie Lee, experte logistique et transports chez Sia Partners
Alors que le mouvement se poursuit au moins jusqu’à fin février, les différents acteurs économiques concernés scrutent avec appréhension l’évolution des négociations entre le gouvernement et les syndicats de dockers. D’ultimes discussions sont prévues dans les prochains jours pour tenter de sortir de l’impasse. En attendant, les conséquences de ces débrayages à répétition continuent de se faire sentir tout au long de la chaîne logistique.
