En France, plus de 200 000 élèves sont touchés par une surdité plus ou moins sévère. Pour ces enfants, suivre une scolarité normale relève souvent du parcours du combattant. En Normandie, des familles affrontent actuellement leur rectorat, qu’elles accusent de ne pas respecter la loi sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Un combat qui, espèrent-elles, fera jurisprudence pour améliorer l’intégration scolaire des enfants malentendants.
Des élèves sourds livrés à eux-mêmes en classe
Pour Martin, 7 ans, atteint de surdité profonde, suivre les cours est un véritable défi. Équipé d’un appareil auditif, il parvient à entendre d’une oreille, mais déchiffrer les paroles de l’enseignante lors de la dictée s’avère très difficile. Une situation qui engendre un grand stress chez l’enfant :
Je n’entends pas trop la maîtresse. Ça me dérange, ça me fait peur (…) J’ai du mal à travailler.
témoigne Martin
Ses parents, comme ceux d’autres élèves malentendants du Calvados, dénoncent les manquements du rectorat de Normandie. Selon eux, l’institution ne fournit pas l’accompagnement adapté prévu par la loi, les laissant seuls et démunis en classe. L’aide d’un codeur pratiquant la Langue française Parlée Complétée (LfPC) leur est en effet refusée.
Pour Aurélie Lemarié Guiguet, maman de Martin et membre de l’Apedac (Association de Parents d’Enfants Déficients Auditifs du Calvados), ce délaissement est inacceptable :
Là, on se dit qu’il y a un abandon total de nos enfants. Nos enfants sont seuls en classe, démunis. On est clairement à court terme du décrochage scolaire.
s’indigne-t-elle
Une formation express plutôt que des pros
Pour pallier le manque de codeurs diplômés, le rectorat a proposé de former en quelques dizaines d’heures des accompagnants AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) au codage LfPC. Une solution rejetée par les familles, qui réclament de vrais professionnels pour épauler leurs enfants.
Une demande confortée par une décision de justice rendue le 20 juin dernier par la cour d’appel de Nantes. Les juges ont clairement enjoint à la rectrice de l’académie de Normandie de mettre en place un « accompagnement par un codeur LfPC dans un délai de 2 mois ». Mais près de 7 mois plus tard, rien n’a changé.
Le rectorat campe sur ses positions
Mis en cause, le rectorat persiste et signe. Armelle Fellahi, directrice académique des services de l’Éducation nationale du Calvados, répond :
On va proposer la solution qui est possible dans le cadre de l’Éducation nationale, en assurant une poursuite de formation des codeuses de manière à les faire monter en compétence.
Une position difficilement compréhensible pour les parents, d’autant que dans au moins trois académies françaises, des codeurs pros interviennent déjà auprès des élèves sourds. Guillaume Vandaële, membre de l’Apedac, s’insurge :
Je sais que dans d’autres académies, des rectorats ont mis en place des budgets pour que les enfants soient accompagnés par des codeurs professionnels. Donc ça veut dire qu’en France aujourd’hui, tous les enfants en situation de handicap n’ont pas les mêmes droits.
Un combat pour l’égalité des chances
Pour l’avocate de l’association, Maître Vanessa Bouthors-Neveux, ce bras de fer pourrait bien faire jurisprudence et pousser tous les rectorats à s’aligner sur les plus vertueux en matière d’accompagnement des élèves sourds :
C’est quand même dommage qu’on doive se battre avec le rectorat pour avoir le minimum. Ça va faire en effet une jurisprudence qui, j’espère pour tous les rectorats de France, sera une source d’inspiration.
Un combat de longue haleine pour ces familles, qui espèrent qu’il ouvrira la voie à une meilleure intégration scolaire de tous les enfants en situation de handicap. En attendant, malgré les décisions de justice, Martin et ses camarades continuent de suivre les cours sans l’aide précieuse d’un codeur à leurs côtés.