Alors que les États-Unis se préparent pour l’élection présidentielle de 2024, le marché du travail américain se retrouve dans une situation pour le moins paradoxale. En effet, le département du Travail a révélé vendredi que le taux de chômage avait grimpé à 4% en mai, franchissant ainsi une barre symbolique qu’il n’avait plus atteinte depuis janvier 2022. Mais dans le même temps, les créations d’emplois ont été bien plus nombreuses qu’en avril, dépassant largement les prévisions des analystes.
Un taux de chômage en hausse malgré des créations d’emplois solides
Cette apparente contradiction s’explique par le fait que les chiffres proviennent de deux enquêtes différentes. L’une, réalisée auprès des entreprises, a comptabilisé pas moins de 272 000 créations d’emplois en mai, principalement dans les secteurs de la santé, des services publics, des loisirs et de l’hôtellerie, ainsi que des services professionnels, scientifiques et techniques. Un résultat nettement supérieur aux 165 000 emplois créés en avril.
L’autre enquête, menée auprès des ménages, a quant à elle révélé une hausse de 0,1 point du taux de chômage, qui passe ainsi de 3,9% à 4%. Un niveau qui n’avait plus été atteint depuis près d’un an et demi. Comment expliquer ce paradoxe apparent entre la vigueur des créations d’emplois et la montée du chômage ?
Le rôle de la Fed dans la lutte contre l’inflation
La réponse se trouve en partie du côté de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui suit de très près l’évolution de l’emploi dans le cadre de sa lutte contre l’inflation. Car sans un retour à la normale sur le front de l’emploi, il sera difficile d’envisager une baisse durable de l’inflation aux États-Unis.
Depuis 2021, le pays a en effet connu une importante pénurie de main-d’œuvre, poussant les entreprises à offrir des salaires plus élevés et des conditions plus avantageuses pour attirer les candidats et fidéliser leurs employés. Une situation qui a alimenté la spirale inflationniste en faisant grimper les coûts.
Les données salariales, qui ont montré une accélération des variations mensuelles et annuelles, ont été décevantes, créant une mauvaise surprise.
– Rubeela Farooqi, cheffe économiste pour HFE
Pour juguler l’inflation, la Fed maintient depuis l’été dernier des taux très élevés, compris entre 5,25% et 5,50%, soit leur plus haut niveau depuis 20 ans. Une politique monétaire restrictive qui pousse les banques à proposer des crédits plus coûteux à leurs clients, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises.
Vers un statu quo de la Fed à court terme ?
Dans ce contexte, les chiffres de l’emploi publiés vendredi “soutiennent plutôt une position patiente” de la Fed quant à une éventuelle baisse des taux dans un avenir proche, comme le souligne Rubeela Farooqi. La prochaine réunion de la banque centrale américaine, prévue mardi et mercredi, devrait donc se solder par un maintien des taux à leur niveau actuel.
Les acteurs du marché n’anticipent d’ailleurs aucune baisse des taux avant les réunions de septembre ou novembre. Un statu quo qui pourrait perdurer tant que le marché du travail américain n’aura pas retrouvé un équilibre plus conforme aux attentes de la Fed.
L’enjeu de l’emploi à l’approche de l’élection présidentielle
Reste à savoir comment évoluera la situation d’ici l’élection présidentielle de 2024. Car si la vigueur du marché du travail peut être perçue comme un signe positif pour l’économie américaine, la hausse du chômage risque quant à elle d’être exploitée par les opposants à l’administration Biden.
Dans ce contexte, l’enjeu sera de parvenir à un rééquilibrage du marché de l’emploi qui permette de contenir durablement l’inflation, sans pour autant fragiliser la croissance et l’activité. Un défi de taille pour la Fed et la Maison-Blanche, dont les décisions seront scrutées de près par les électeurs américains dans les mois à venir.
Une chose est sûre : le paradoxe du marché du travail américain, tiraillé entre créations d’emplois solides et montée du chômage, devrait encore alimenter bien des débats économiques et politiques jusqu’à l’échéance électorale de novembre 2024.