Au cœur des Landes, entre la France et l’Espagne, un projet d’interconnexion électrique très haute tension porté par RTE, filiale d’EDF, suscite de vives inquiétudes. Baptisé « Golfe de Gascogne », ce chantier vise à doubler la quantité d’électricité échangée entre les deux pays en installant des câbles sous-marins. Mais la présence d’un canyon au fond de l’océan oblige à faire passer les lignes sur terre, au grand dam des habitants.
Des travaux titanesques en pleine zone touristique
Sur le parking d’un camping à Capbreton, des engins de chantier imposants s’activent. « Nous avons arrêté les travaux durant l’été pour ne pas gêner les vacanciers », explique Laurent Delaval, responsable RTE. Une foreuse géante creuse un tunnel pour y loger les câbles qui relieront les parties sous-marines et souterraines de la ligne.
Ce projet d’envergure, le premier du genre entre la France et l’Espagne, permettra d’acheminer jusqu’à 2000 mégawatts, de quoi alimenter l’équivalent de 4 millions de foyers. Un enjeu crucial pour sécuriser l’approvisionnement électrique des deux pays et faciliter l’intégration des énergies renouvelables.
Une biodiversité unique menacée
Mais ce chantier titanesque inquiète les défenseurs de l’environnement. Le passage des câbles en plein cœur d’espaces naturels protégés fait craindre des dommages irréversibles sur la faune et la flore.
« J’ai peur pour cette biodiversité extraordinaire, unique au monde. Il y a ici des espèces qu’on ne trouve nulle part ailleurs »
déplore un naturaliste local.
Des dunes classées, des forêts anciennes, des zones humides risquent d’être impactées durablement par ce projet, malgré les précautions prises par RTE. « Nous avons adapté le tracé pour éviter au maximum les zones sensibles » assure la filiale d’EDF.
Un chantier qui divise
Au-delà des enjeux environnementaux, c’est l’utilité même du projet qui est remise en cause par certains habitants et élus locaux. Beaucoup dénoncent un chantier imposé, sans réelle concertation.
« On nous présente ce projet comme indispensable pour la transition énergétique. Mais à quel prix ? Pourquoi sacrifier notre patrimoine naturel ? »
s’insurge un opposant.
Face à la bronca, RTE met en avant les retombées économiques pour le territoire, avec plusieurs dizaines d’emplois à la clé, et promet un accompagnement des communes impactées.
Un projet emblématique des défis de la transition énergétique
Au-delà de la polémique locale, ce projet cristallise les enjeux et les contradictions de la transition énergétique à grande échelle. Comment concilier le développement des interconnexions électriques, indispensables pour mutualiser les moyens de production et lisser les pics de consommation, avec la préservation des espaces naturels ?
Un dilemme qui risque de se poser de plus en plus souvent à mesure que se multiplient les projets d’infrastructures de transport d’électricité, rendus nécessaires par l’évolution du mix énergétique. Les lignes à haute tension cumulent en effet les handicaps : coûteuses, peu esthétiques, et potentiellement néfastes pour l’environnement.
Pour tenter de surmonter ces obstacles, RTE mise sur l’enfouissement partiel des lignes et s’engage dans une démarche de concertation renforcée avec les acteurs locaux. Une méthode appliquée pour la première fois à cette échelle sur l’interconnexion du Golfe de Gascogne, qui servira de test grandeur nature.
Mais les opposants doutent de la sincérité de la démarche et de la réelle prise en compte de leurs arguments. Ils ont déposé plusieurs recours en justice pour tenter de bloquer le projet. Les travaux, déjà bien engagés, se poursuivent cependant, avec une mise en service prévue fin 2027.
Ce chantier hors-norme, où s’entremêlent enjeux énergétiques, écologiques et sociétaux, sera scruté de près. Il donnera une idée de la capacité de la France à mener à bien sa transition énergétique, sans sacrifier ce qui fait la richesse de ses territoires : leurs paysages et leur biodiversité d’exception.
