Le vent semble tourner en matière de politique migratoire. Selon des informations exclusives, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a adressé aux préfets une circulaire visant à réduire drastiquement les régularisations d’étrangers en situation irrégulière. Ce document, qui abroge la précédente circulaire Valls de 2012, marque-t-il un véritable durcissement dans la gestion des flux migratoires ?
Sept ans de présence au lieu de cinq pour une régularisation
La principale mesure de cette circulaire Retailleau est l’allongement de la durée de présence requise sur le territoire français pour prétendre à une admission exceptionnelle au séjour. Là où la circulaire Valls évoquait une durée de cinq ans, le nouveau texte parle désormais « d’au moins sept ans ». Une condition jugée comme un « indice d’intégration pertinent » par le ministre de l’Intérieur.
Cette évolution n’est pas anodine. Elle vise clairement à restreindre le nombre de sans-papiers pouvant bénéficier d’une régularisation. D’après une source proche du dossier, l’objectif serait de réduire de moitié le nombre d’admissions exceptionnelles au séjour accordées chaque année, actuellement autour de 30 000.
Vers une application plus stricte des OQTF
Autre point important, la circulaire appelle les préfets à faire preuve de fermeté dans l’application des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Ces dernières années, le taux d’exécution de ces mesures d’éloignement n’a cessé de baisser, se situant autour de 15%. Un chiffre jugé bien trop faible par Bruno Retailleau.
Nous devons impérativement améliorer l’efficacité des OQTF si nous voulons retrouver la maîtrise de notre politique migratoire.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur
Pour cela, de nouvelles instructions ont été passées pour systématiser le placement en centre de rétention des étrangers sous le coup d’une OQTF et développer les laissez-passer consulaires auprès des pays d’origine. Des négociations seraient en cours avec plusieurs États, notamment du Maghreb, pour faciliter les reconduites à la frontière.
Des mesures qui ne font pas l’unanimité
Sans surprise, ces annonces ont suscité de vives réactions des associations de défense des droits des étrangers. Ces dernières dénoncent « une politique du chiffre » et « une criminalisation des personnes en situation irrégulière ». Certains élus de gauche ont également fait part de leur indignation, évoquant « une vision utilitariste de l’immigration ».
Interrogé à ce sujet, l’entourage du ministre a tenu à rappeler que « la France reste une terre d’accueil » mais que « l’intégration suppose le respect des lois de la République ». Un argument qui ne convainc pas les opposants à cette circulaire, persuadés qu’elle « remet en cause le droit d’asile ».
Quel impact sur les chiffres de l’immigration ?
Difficile pour l’heure de mesurer l’effet concret qu’aura ce nouveau texte. Si l’objectif affiché est bien de réduire l’immigration irrégulière, rien ne garantit qu’il sera atteint. Certains observateurs craignent même un effet pervers, avec « le basculement dans la clandestinité de milliers de sans-papiers » privés de perspectives de régularisation.
En durcissant les conditions, on risque de précariser encore plus des personnes déjà fragiles et de les pousser dans les mains des filières d’exploitation.
Un responsable associatif
Du côté du gouvernement, on assume ce virage restrictif tout en se défendant de toute « stigmatisation ». L’enjeu serait avant tout de « retrouver la souveraineté sur les flux migratoires » et d’« encourager l’immigration choisie ». Une ligne directrice que Bruno Retailleau entend bien appliquer avec cette circulaire, quitte à bousculer l’approche plus humaniste portée par son prédécesseur Place Beauvau.
Un débat loin d’être clos
Au final, cette nouvelle circulaire sur les régularisations ne manquera pas de relancer le sempiternel débat sur la politique migratoire française. Entre volonté de fermeté et respect du droit d’asile, entre maîtrise des flux et tradition d’accueil, l’équation s’avère toujours aussi complexe à résoudre pour l’exécutif.
Une chose est sûre, le sujet continuera d’agiter la classe politique dans les mois à venir. D’autant que le projet de loi immigration, qui doit être présenté à l’automne, s’annonce déjà explosif. La circulaire Retailleau n’est sans doute qu’un avant-goût des joutes à venir.