Une figure marquante du journalisme français s’est éteinte. Jean-François Kahn, fondateur des magazines l’Evénement du Jeudi et Marianne, est décédé à l’âge de 86 ans selon une annonce faite jeudi par sa veuve, la productrice Rachel Assouline-Kahn. Avec sa disparition, c’est toute une époque de la presse engagée et du débat d’idées qui est endeuillée.
Un parcours journalistique éclatant
Issu d’une famille d’intellectuels, Jean-François Kahn, surnommé JFK, a d’abord embrassé une carrière d’enseignant avant de se tourner vers le journalisme par « faiblesse » de son propre aveu. Mais c’est bien un géant de la presse qu’il allait devenir, marquant de son empreinte les différents titres auxquels il a collaboré comme Paris Presse, L’Express, Le Monde ou encore Europe 1.
Son talent de plume et son esprit vif lui permettent de couvrir des événements majeurs comme la guerre d’Algérie ou l’affaire Ben Barka. Très vite, il accède à des postes de direction, prenant les rênes des Nouvelles Littéraires, du Quotidien de Paris ou encore brièvement du Matin.
L’aventure de l’Evénement du Jeudi
Mais c’est en 1984 que Jean-François Kahn va réellement marquer l’histoire de la presse en lançant l’Evénement du Jeudi. Le concept est inédit: faire des lecteurs les actionnaires du journal. Le succès est au rendez-vous pendant près d’une décennie avant que le titre ne passe dans le giron du groupe Hachette et ne finisse par disparaître malgré plusieurs tentatives de relance.
Marianne, l’autre succès
Infatigable, Jean-François Kahn remet ça en 1997 en fondant Marianne, un magazine marqué à gauche mais surtout attaché à la liberté d’opinion et au débat. Là encore le succès est au rendez-vous, même si les finances restent fragiles. Celui qui incarne le « centrisme révolutionnaire » selon François Bayrou apporte d’ailleurs son soutien au leader centriste lors des présidentielles de 2007 et 2012.
L’homme des débats et des controverses
Car au-delà du journalisme, c’est bien la politique qui passionne Jean-François Kahn. Il n’hésite pas à provoquer et débattre, n’ayant pas peur d’affronter des figures controversées comme Jean-Marie Le Pen dès 1984. Pour lui, on peut et on doit combattre l’extrême droite sur le terrain des idées. Une prise de position courageuse qui lui vaudra parfois des critiques.
Son goût de la provocation lui jouera d’ailleurs des tours, comme lorsqu’il sera écarté d’Europe 1 en 1986 après avoir qualifié de « requins » les patrons d’Hachette, alors propriétaire de la radio. Ou encore en 2011 quand des propos polémiques sur l’affaire Strauss-Kahn le pousseront à se retirer du journalisme.
Un héritage journalistique
Mais jusqu’au bout, Jean-François Kahn aura continué à écrire, tenant des chroniques dans la presse étrangère et publiant de nombreux ouvrages, le dernier en date en 2022 étant sobrement intitulé « Ne m’appelez plus jamais gauche ». Provocateur et engagé, brillant et passionné, JFK laisse une empreinte indélébile dans le paysage médiatique français.
Jean-François Kahn, c’était un intellectuel avant d’être un journaliste. Le journalisme était pour lui un moyen de comprendre l’histoire, de faire l’histoire et de s’inscrire dans l’histoire.
Maurice Szafran, cofondateur de Marianne
Son héritage, ce sont ces formidables aventures de presse que furent l’Evénement du Jeudi et Marianne. Des journaux d’opinion, engagés, libres et exigeants qui ont marqué leur époque. Des titres à son image, refusant la pensée unique et la langue de bois.
Jean-François Kahn était un géant et un homme rare. L’incroyable créativité qui l’animait, son audace, lui ont fait fonder de véritables journaux-époque, L’Evénement du Jeudi, Marianne. Il incarnait le centrisme révolutionnaire, l’humanisme et la fidélité. Nous l’aimions.
François Bayrou, Premier ministre, sur Twitter
Avec la disparition de Jean-François Kahn, le journalisme français perd l’une de ses grandes plumes et l’une de ses consciences. Un esprit libre qui aura toujours préféré le débat d’idées à la pensée formatée. Sa verve, ses coups de gueule et son insolence vont assurément manquer au paysage médiatique. Salut l’artiste !