ActualitésPolitique

La CEDH Abolit le « Devoir Conjugal » en France

Un arrêt de la CEDH renverse la notion archaïque de "devoir conjugal" en France. Désormais, le refus de relations sexuelles ne peut plus être retenu contre une épouse lors d'un divorce. Un pas de géant pour l'égalité et la liberté des femmes, mais le chemin reste long...

C’est une petite révolution dans le droit de la famille en France. Ce jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt retentissant, condamnant la France pour avoir considéré comme « fautive » une femme refusant d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Une décision saluée comme un grand pas en avant pour les droits et libertés des femmes.

Le refus de relations intimes ne peut plus justifier un divorce pour faute

Tout est parti du divorce houleux d’un couple français. En juillet 2018, le juge aux affaires familiales avait estimé que les problèmes de santé de l’épouse justifiaient l’absence de sexualité conjugale. Mais un an plus tard, la cour d’appel de Versailles renversait ce jugement, prononçant le divorce aux torts exclusifs de la femme, au motif qu’elle avait cessé les « relations intimes » avec son époux.

Estimant que son droit à disposer librement de son corps était bafoué, l’épouse de 69 ans a saisi la CEDH en 2021, avec le soutien du Collectif féministe contre le viol et la Fondation des femmes. Et la haute juridiction européenne lui a donné raison, considérant que la France avait violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le respect de la vie privée.

Le consentement au mariage n’implique pas un consentement perpétuel aux relations sexuelles

Dans son arrêt, la CEDH rappelle un principe fondamental : « tout acte sexuel non consenti est constitutif d’une forme de violence sexuelle ». Elle souligne que considérer le refus de relations sexuelles comme une faute justifiant le divorce est « contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps ».

La Cour ne saurait admettre, comme le suggère le gouvernement, que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures.

CEDH

La haute juridiction balaie ainsi l’argument avancé par le gouvernement français, selon lequel le mariage impliquerait un consentement continu aux rapports intimes. Une position jugée dangereuse par la CEDH, qui estime qu’une telle justification « serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible ».

Une « vision archaïque » du mariage enfin remise en cause

Pour les avocates de la requérante, Lilia Mhissen et Delphine Zoughebi, cette décision marque « l’abolition du devoir conjugal et de la vision archaïque et canonique de la famille ». Me Mhissen salue « un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France ». Sa consœur renchérit : « désormais, le mariage n’est plus une servitude sexuelle ».

De son côté, la sexagénaire à l’origine de ce combat judiciaire espère que sa victoire profitera « à toutes les femmes qui se retrouvent confrontées à des décisions judiciaires aberrantes et injustes, remettant en cause leur intégrité corporelle et leur droit à l’intimité ».

La France encore à la traîne sur les violences conjugales

Cet arrêt historique met en lumière le retard français en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, notamment au sein du couple. Comme le souligne Me Zoughebi, « près d’un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin ».

Malgré des avancées récentes, comme la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes de 2018, beaucoup reste à faire pour mieux protéger les victimes et faire évoluer les mentalités. La notion de « devoir conjugal », qui n’a pourtant aucune valeur légale en France, reste encore ancrée dans certains esprits.

En condamnant fermement cette vision rétrograde du mariage, la CEDH envoie un signal fort aux juridictions nationales. Désormais, aucune femme ne devrait plus être sanctionnée pour avoir refusé des rapports sexuels à son époux. Un pas de géant vers l’égalité et la liberté, mais le chemin est encore long.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.