L’Ukraine est confrontée à une recrudescence inquiétante du trafic illégal d’armes sur son territoire, un phénomène qui s’est fortement accentué depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Face à cette situation préoccupante, la police ukrainienne a décidé de frapper fort en lançant une opération d’envergure nationale. Plus de 1000 perquisitions ont ainsi été menées simultanément dans le cadre d’une vaste enquête visant à démanteler ces réseaux criminels qui profitent du chaos engendré par la guerre.
Les autorités veulent couper le mal à la racine
L’objectif principal de ce coup de filet massif est de remonter toute la chaîne du trafic afin de neutraliser tous les maillons, des simples revendeurs jusqu’aux grossistes. Il s’agit de « fermer les circuits de vente et de stockage » de ces armes qui circulent en toute illégalité, comme l’a souligné la police dans un communiqué diffusé sur Telegram.
L’accent est mis en priorité sur les armes et munitions soustraites aux soldats russes sur le champ de bataille et qui se retrouvent ensuite sur le marché noir. Mais les forces de l’ordre ciblent également le « trafic illicite » d’armes classiques ainsi que les explosifs. Une vidéo diffusée par la police montre d’ailleurs des agents en train d’enfoncer une porte avant de saisir un important lot de munitions ainsi que de l’argent liquide, sans doute le fruit de ce commerce illégal.
Les autorités ukrainiennes sont bien décidées à enrayer cette spirale infernale. Le trafic d’armes représente en effet une menace sérieuse, non seulement pour la sécurité et l’ordre public en Ukraine, mais aussi à l’échelle internationale. Car le risque est grand de voir une partie de ces armes franchir les frontières et alimenter la criminalité organisée dans d’autres pays.
Une lutte de tous les instants
Cette vaste opération coup de poing n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg. Car les forces de l’ordre ukrainiennes sont sur le qui-vive permanent pour tenter de juguler ce fléau. Et mènent régulièrement des actions pour démanteler des filières. C’est le cas par exemple en septembre dernier, quand la police avait mis la main sur un important arsenal évalué à plus de 38 000 euros rien qu’à Kiev.
Quelques mois plus tôt, en août, c’est dans l’ouest du pays que les autorités avaient démantelé un réseau de trafiquants présumés. Bilan de l’opération : 20 fusils d’assaut, plus de 70 armes de poing, des dizaines de grenades et près de 49 000 balles saisis !
La loi prévoit des sanctions particulièrement lourdes pour les trafiquants, avec des peines pouvant aller jusqu’à 7 ans de prison. Mais cela ne semble pas suffire à endiguer le phénomène alors que le pays est plongé dans le chaos de la guerre depuis bientôt trois ans.
La circulation des armes, un problème épineux
Il faut dire qu’au début du conflit avec la Russie, les autorités ukrainiennes avaient elles-mêmes contribué à armer la population. Avec un objectif légitime : permettre aux civils de participer à l’effort de guerre face à l’envahisseur russe. C’est ainsi que le ministère de l’Intérieur avait distribué plus de 25 000 armes rien que dans la région de Kiev.
Mais ce choix, sans doute nécessaire sur le moment, a aussi eu des effets pervers en favorisant la circulation incontrôlée des armes. Certes les autorités affirment avoir récupéré une partie de cet armement. Mais combien sont passées entre les mailles du filet ? Difficile à dire.
Pour tenter de reprendre la main, le parlement ukrainien a adopté en juin une loi visant à « garantir la participation des civils à la défense de l’Ukraine » tout en réglementant les armes détenues par les civils et les militaires depuis l’instauration de la loi martiale en 2022. Une première étape pour remettre un peu d’ordre dans ce chaos.
Un trafic aux ramifications internationales
Reste que le problème dépasse largement les frontières de l’Ukraine. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’en est d’ailleurs ému en juillet dernier, appelant Kiev à prendre des mesures pour éviter que les armes fournies par ses alliés ne soient détournées et ne se retrouvent aux mains de groupes criminels à l’étranger.
Car le risque est réel. D’après une ONG suisse spécialisée, la plupart des armes circulant hors d’Ukraine proviendraient des stocks abandonnés par l’armée russe ou auraient été directement prises aux soldats de Moscou. On voit bien là toute la complexité de la situation pour les autorités ukrainiennes qui doivent à la fois gérer une guerre sur leur sol et les conséquences en cascade que celle-ci entraîne, à commencer par le boom du trafic d’armes.
Le défi de la traçabilité des armes
Les alliés de l’Ukraine sont eux aussi concernés au premier chef. Ils ont en effet fourni des quantités importantes d’armements à Kiev depuis le début de la guerre. Et se retrouvent confrontés à la délicate question du suivi de ces armes.
Les États-Unis, principal soutien de l’Ukraine, ont ainsi reconnu en janvier avoir du mal à suivre à la trace les équipements militaires envoyés pour un montant d’environ un milliard de dollars. Le Pentagone assure n’avoir trouvé aucune preuve de détournement. Mais admet que le défi est immense au regard du volume d’armes livrées.
Cette guerre en Ukraine aura décidément des répercussions à tous les niveaux. Et pour longtemps. Le trafic illicite d’armes qui prospère à la faveur du conflit en est une illustration flagrante. En frappant fort, la police ukrainienne espère envoyer un message clair aux trafiquants. Mais il faudra sans doute bien d’autres opérations de ce type pour espérer inverser la tendance tant que la guerre perdurera. La route est encore longue.