C’est un drame qui secoue les services de renseignement français. Ce jeudi matin, un policier de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a été retrouvé mort dans le parking de son lieu de travail à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine. Selon des sources proches de l’enquête, l’agent se serait donné la mort avec son arme de service. Une sombre affaire qui soulève de nombreuses questions.
Une macabre découverte
C’est peu avant 9 heures ce jeudi qu’a été fait le tragique constat. Le corps sans vie d’un policier gisait dans le parking des locaux de la DGSI à Levallois-Perret. L’alerte a immédiatement été donnée, mais il était malheureusement trop tard. Les premiers éléments de l’enquête laissent à penser qu’il s’agirait d’un suicide par arme à feu, l’agent ayant retourné son arme de service contre lui.
Une scène difficile pour ses collègues, sous le choc. « C’est incompréhensible, témoigne un agent sous couvert d’anonymat. Il était apprécié de tous, sérieux dans son travail. Rien ne laissait présager un tel geste. » Un sentiment partagé par beaucoup au sein du service, alors que la sidération laisse place à de nombreuses interrogations.
Le parquet ouvre une enquête
Face à ce drame, le parquet a rapidement réagi en ouvrant une enquête en recherche des causes de la mort. L’objectif : tenter d’éclaircir les circonstances exactes du décès et explorer toutes les pistes, même si celle du suicide semble privilégiée à ce stade. Les investigations ont été confiées à l’Inspection générale de la sécurité intérieure (IGSI).
Les enquêteurs vont devoir retracer les dernières heures et jours de la victime pour comprendre ce qui a pu la pousser à mettre fin à ses jours. Son entourage professionnel et personnel devrait être entendu, à la recherche d’un éventuel mal-être ou de difficultés particulières. L’enquête devra aussi déterminer si l’agent a pu faire l’objet de pressions ou de menaces liées à ses fonctions sensibles.
Un drame qui ébranle le renseignement
Au-delà du drame humain, cet événement jette une lumière crue sur les conditions de travail dans les services de renseignement comme la DGSI. Déjà en 2018, un rapport parlementaire avait pointé du doigt les risques psychosociaux dans le milieu du renseignement, liés au poids du secret et à l’intensité des missions.
Le renseignement n’échappe pas au mal-être au travail, avec des risques accrus compte tenu de la sensibilité et de la confidentialité des dossiers traités.
Extrait du rapport parlementaire de 2018
Ce constat semble plus d’actualité que jamais. Avec la menace terroriste, la guerre en Ukraine qui a accentué les tensions géopolitiques et les nouvelles formes de criminalité comme la cyberdélinquance, la pression n’a jamais été aussi forte sur les agents. Un contexte qui appelle à une vigilance accrue sur leur condition mentale.
Ce drame sonne donc comme un électrochoc et devrait pousser la DGSI, comme l’ensemble des services de renseignement, à renforcer la prévention des risques psychosociaux en interne. Car derrière la discrétion légendaire des espions se cachent des femmes et des hommes soumis à une pression de tous les instants. Une situation à hauts risques qu’illustre avec une acuité nouvelle ce geste désespéré.
Un précédent en 2017
Il ne s’agit hélas pas d’un cas isolé. En septembre 2017 déjà, un policier de la Direction générale de la sécurité intérieure s’était donné la mort avec son arme de service dans les locaux du service à Levallois-Perret. Un drame qui avait déjà suscité une vive émotion et des interrogations au sein de l’institution.
Cet événement avait conduit à un renforcement du suivi psychologique des agents et à une réflexion sur la gestion du stress et la qualité de vie au travail. Des mesures dont l’efficacité semble aujourd’hui questionnée par ce nouveau drame, qui vient raviver la douleur et les inquiétudes.
De nombreuses zones d’ombre
Si l’enquête ne fait que commencer, de nombreuses zones d’ombre entourent encore ce tragique événement. Comment un agent formé et expérimenté en est-il arrivé à cette extrémité ? Présentait-il des signes de fragilité psychologique qui auraient pu alerter son entourage professionnel ? Ses conditions de travail ont-elles pu jouer un rôle dans son geste ?
Autant de questions auxquelles les enquêteurs vont devoir tenter de répondre, pour comprendre mais aussi pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Car au-delà du choc et de l’émoi, c’est bien la prise en charge des risques psychosociaux dans cet univers si particulier qui est posée.
En attendant les résultats de l’enquête, c’est tout le service qui est en deuil, uni dans la douleur et le recueillement. Un hommage sera prochainement rendu à cet agent décrit par tous comme « discret et professionnel ». Un homme de l’ombre parti en laissant ses collègues dans une douloureuse lumière.
Un électrochoc salutaire ?
Ce nouveau drame pourrait être le déclencheur d’une véritable prise de conscience et d’une réflexion de fond sur les conditions d’exercice dans le renseignement. Au-delà des hommages et des enquêtes, c’est un chantier d’ampleur qui attend la DGSI et les services spécialisés.
Il faudra probablement revoir les processus de détection des fragilités, renforcer le suivi psychologique, repenser l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle et peut-être développer de nouveaux espaces de dialogue et d’expression pour ces agents souvent condamnés au silence par le secret-défense.
Tout l’enjeu sera de trouver le bon équilibre entre la nécessaire protection du secret et l’indispensable prise en compte de la santé mentale des agents. Un défi de taille pour ces services confrontés à un niveau de stress et de pression rarement égalé. Mais un défi qui, au regard du drame de Levallois-Perret, s’avère plus crucial que jamais.