Dans la nuit de mardi, un drame épouvantable s’est déroulé dans la station de ski du centre de la Turquie. Un incendie meurtrier a ravagé le luxueux hôtel Grand Kartal, faisant 78 victimes parmi les résidents. Selon une experte, cette tragédie résulte d’une chaîne de graves négligences et manquements aux normes de sécurité.
« Beaucoup de gens n’ont pas assumé leurs responsabilités »
Derya Basyilmaz, présidente de la Chambre d’architecture d’Ankara accourue sur place, pointe du doigt de multiples défaillances. « Il est inutile de chercher un coupable, car beaucoup de gens n’ont pas assumé leurs responsabilités. C’est le problème principal », dénonce-t-elle.
D’après ses premières constatations, l’hôtel souffrait de graves lacunes en termes de voies d’évacuation sécurisées. Les trois escaliers présents n’étaient pas à l’épreuve du feu, dépourvus de portes coupe-feu et de protections ignifugées. De plus, le système d’alarme incendie était défectueux et l’établissement ne disposait pas d’extincteurs automatiques à eau (sprinklers).
« Le fait que rien n’ait fonctionné a conduit à l’ampleur du désastre »
– Derya Basyilmaz, experte en architecture
Des familles piégées par les flammes
En l’absence d’alarme et de voies d’évacuation sécurisées, de nombreuses familles en vacances scolaires dans cet établissement de prestige se sont retrouvées prises au piège par les flammes et la fumée en pleine nuit. Un scénario cauchemardesque qui aurait pu être évité, ou au moins atténué, si les normes de sécurité avaient été respectées, estime l’experte.
Un contrôle des normes défaillant
Malgré les affirmations du ministre du Tourisme selon lesquelles l’hôtel avait reçu toutes les certifications nécessaires, Mme Basyilmaz souligne que la dernière inspection remontait à 2007. Une certification n’est pas valable à vie et doit être mise à jour régulièrement, car les réglementations évoluent.
Elle pointe également du doigt de « nombreuses rénovations effectuées sans experts compétents », susceptibles d’avoir dégradé la sécurité du bâtiment au fil des ans, sans véritable contrôle.
Un hôtel inaccessible aux secours
La configuration même de l’hôtel, bâti en surplomb des pistes pour offrir une vue panoramique, a empêché les pompiers d’accéder à sa façade la plus haute. « Normalement, les camions de pompiers doivent pouvoir accéder à tous les côtés d’un bâtiment », déplore Derya Basyilmaz. Mais l’arrière de l’hôtel, comme suspendu au-dessus d’une falaise, est resté hors d’atteinte des secours.
Une enquête en cours, 11 arrestations
À ce stade, onze personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête, dont un adjoint au maire, le chef des pompiers locaux, le propriétaire de l’hôtel, son directeur général et le chef-électricien. Le feu se serait déclaré dans un restaurant au 4ème étage de l’établissement aujourd’hui calciné.
La présidente de la Chambre d’architecture d’Ankara prévoit de rendre public un rapport d’expertise détaillé sur ce drame. Les professionnels du droit et de l’ingénierie de tout le pays se mobilisent, comme ils l’avaient fait après le séisme meurtrier qui a frappé le sud-est de la Turquie en février, pour mettre en lumière les manquements aux normes de sécurité.
Cette tragédie soulève une fois de plus la question cruciale de la responsabilité et du contrôle strict du respect des réglementations en matière de sécurité incendie dans les établissements recevant du public. Un enjeu vital qui ne doit souffrir d’aucune négligence, sous peine de voir se répéter de tels drames.
