C’est une première victoire législative pour Donald Trump depuis le début de son second mandat. Mercredi, le Congrès américain a adopté un projet de loi visant à durcir la politique migratoire du pays, le tout dans un contexte de vives tensions sur ce sujet ultra-sensible outre-Atlantique. Retour sur les enjeux et les réactions suscitées par ce texte qui risque de faire date.
Un vote sous haute tension
Selon une source proche du dossier, le projet de loi baptisé «Laken Riley Act», du nom d’une étudiante tuée en 2024 par un migrant vénézuélien en situation irrégulière, a été approuvé par 263 voix contre 156 à la Chambre des Représentants, à majorité républicaine. Fait notable, une quarantaine d’élus démocrates ont soutenu le texte, signe d’une évolution des lignes au sein de la classe politique sur ce sujet brûlant.
Concrètement, cette loi prévoit la détention automatique par les autorités fédérales des migrants sans-papiers ayant commis certains délits. Une mesure phare pour Donald Trump, qui avait fait de la lutte contre l’immigration clandestine un marqueur de sa campagne et de son premier mandat. Dès lundi, lors de son discours d’investiture, il avait promis de «renvoyer des millions et des millions d’étrangers criminels».
Un coût faramineux qui inquiète
Mais le texte ne fait pas l’unanimité, loin de là. Dans les rangs démocrates, on dénonce le coût exorbitant de cette politique sécuritaire. La sénatrice Patty Murray évoque un montant de «83 milliards de dollars sur les trois premières années», jugeant que «c’est beaucoup d’argent à dépenser pour un projet de loi qui va entraîner le chaos». Des craintes relayées par de nombreux élus de l’opposition.
L’affaire Laken Riley, un tournant ?
Si ce vote marque les esprits, c’est aussi parce qu’il fait écho à un fait divers tragique qui avait enflammé la campagne présidentielle de 2024. En février de cette année-là, Laken Riley, une étudiante de 22 ans, avait été tuée par José Antonio Ibarra, un ressortissant vénézuélien de 26 ans en situation irrégulière. Ce dernier avait été arrêté peu avant pour un vol à l’étalage, mais avait été remis en liberté.
Pour la droite et l’extrême-droite, ce drame était la preuve de la nécessité de durcir la législation. Trump et son camp avaient réclamé des «excuses» de l’administration Biden, jugée laxiste sur le contrôle des frontières. Couverte médiatiquement, l’affaire avait marqué un tournant dans le débat migratoire.
Des dérives redoutées
Au-delà des questions budgétaires, certains élus alertent sur les dangers potentiels de cette nouvelle loi pour les libertés. La démocrate Alexandria Ocasio-Cortez y voit «une pente glissante qui va éroder encore davantage l’État de droit». Redoutant des arrestations abusives, elle lance :
Dans quelques mois, il y aura des membres du Congrès qui auront voté pour ce texte et qui prétendront qu’ils n’étaient pas au courant de toutes les mauvaises choses qui vont se produire à cause de lui.
Pour beaucoup d’observateurs, ce durcissement législatif illustre surtout la volonté de Trump d’imprimer sa marque dès le début de son nouveau mandat. En s’attaquant frontalement à l’immigration clandestine, il envoie un message fort à son électorat le plus conservateur, qui attend des actes sur ce sujet central.
Un symbole politique
Car au-delà des aspects techniques, l’adoption de cette loi revêt une forte portée symbolique. C’est le premier grand projet législatif de l’ère Trump II, censé donner le ton d’une présidence qui s’annonce musclée sur les questions de sécurité et d’immigration. Une façon pour le milliardaire de démontrer qu’il tient ses promesses de campagne les plus controversées.
Mais ses détracteurs y voient surtout un texte répressif, porteur de discriminations potentielles envers les communautés hispanique et immigrée. Pour eux, cette loi est un nouveau signe du virage identitaire et sécuritaire pris par le pays ces dernières années, loin de la tradition d’ouverture et de diversité prônée par l’Amérique.
Une chose est sûre : sur fond de crispations politiques et de fractures sociétales, le débat promet d’être électrique dans les prochains mois, alors que l’administration Trump entend bien capitaliser sur ce premier succès pour imposer son agenda.