Dans un contexte politique et sécuritaire déjà sous haute tension, le Tchad se retrouve aujourd’hui ébranlé par une querelle familiale qui éclate au grand jour. En effet, d’après des sources proches du pouvoir, le président Mahamat Idriss Déby et l’un de ses frères, le général Adam Idriss Déby Itno, se sont publiquement écharpés sur les réseaux sociaux ces derniers jours, révélant ainsi au grand jour les profondes dissensions qui agitent le clan Déby.
Un échange virulent entre le président et son frère
Tout a commencé mardi dernier, lorsqu’une lettre ouverte signée par le général Adam Idriss Déby Itno, considéré comme un électron libre au sein de la famille présidentielle, a commencé à circuler sur les réseaux sociaux tchadiens. Dans ce texte au vitriol adressé à son frère cadet, le président Mahamat Idriss Déby, le général ne mâche pas ses mots :
Tu as échoué et je t’appelle purement et simplement à démissionner. Tu as laissé ton peuple entre deux peurs : soit la guerre civile, soit ton joug sans merci.
– Extrait de la lettre du général Adam Idriss Déby Itno à son frère, le président Mahamat Idriss Déby
Une attaque frontale à laquelle le chef de l’État tchadien n’a pas tardé à répliquer, qualifiant les propos de son aîné «d’élucubrations éhontées», fruits «d’une petite lutte personnelle animée de haine, d’envie et de jalousie» dans un communiqué officiel relayé mercredi par la télévision nationale MRTV.
Le clan Déby fragilisé par de multiples tensions
Cet épisode n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg, symbole des profondes divisions qui minent le clan Déby et plus largement l’ethnie Zaghawa dont il est issu. Bien que minoritaire au Tchad, cette communauté originaire du nord et de l’est du pays règne sans partage sur le pouvoir depuis 1990.
Parmi les nombreux sujets de discorde, la guerre qui fait rage actuellement au Soudan voisin, opposant l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane aux redoutables paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdane Daglo, est venue attiser les tensions internes. Il semblerait en effet que le président Déby apporte son soutien aux FSR, tandis que certains membres de son clan auraient pris le parti des Zaghawa soudanais fidèles au général Burhane.
Yaya Dillo, opposant assassiné à la veille de la présidentielle
Autre sujet de discorde au sein du clan présidentiel : l’assassinat en février 2024 de l’opposant Yaya Dillo Djérou, un parent éloigné de Mahamat Déby qui était considéré comme son rival le plus crédible à l’approche du scrutin présidentiel. Tué avec 18 de ses partisans lors de l’assaut de son QG par l’armée tchadienne, sa disparition a jeté un froid sur la scène politique du pays.
Mystérieuse attaque du palais présidentiel
Plus récemment encore, l’attaque du palais présidentiel de N’Djaména par un mystérieux commando en janvier dernier, qui aurait fait 19 morts selon un communiqué officiel, est venue raviver le spectre des luttes de pouvoir au sommet de l’État. Pour le gouvernement, il ne s’agissait toutefois que de l’action de « pieds nickelés » drogués et alcoolisés.
Une présidentielle controversée sur fond de succession dynastique
Une explication qui n’a pas suffi à rassurer l’opposition tchadienne, déjà ébranlée par les conditions de l’accession au pouvoir de Mahamat Déby à la mort de son père Idriss Déby Itno en avril 2021. Proclamé président par un conseil militaire après 30 ans de règne de son géniteur, le jeune général a ensuite remporté une élection présidentielle très controversée en mai 2024, boycottée par une large part de l’opposition et qualifiée de « ni libre, ni crédible » par les observateurs internationaux.
Dans ce contexte explosif, la violente passe d’armes entre le président Déby et son frère vient confirmer la grande fragilité du pouvoir en place, miné par les dissensions internes et contesté par une large part de la population. Reste à savoir si le chef de l’État parviendra à endiguer ces turbulences pour asseoir durablement son emprise sur le pays ou si ces querelles familiales très médiatisées ne sont que le prélude à une nouvelle période d’instabilité politique pour le Tchad.
