C’est un accord qui en dit long sur les liens étroits tissés entre Bangui et Moscou ces dernières années. Lundi, les partis au pouvoir en Centrafrique et en Russie, respectivement le MCU du président Faustin Archange Touadéra et Russie unie de Vladimir Poutine, ont signé un « accord de partenariat politique » visant à « solidifier » leur coopération. Une cérémonie qui s’est tenue par visioconférence, crise sanitaire oblige, mais dont la portée symbolique n’échappera à personne.
Une coopération qui s’intensifie sur tous les fronts
Depuis l’arrivée au pouvoir de Faustin Archange Touadéra en 2016, les relations entre la Centrafrique et la Russie n’ont cessé de se renforcer. En 2020, Moscou a notamment dépêché sur place des mercenaires du tristement célèbre groupe Wagner, officiellement pour aider le régime centrafricain à contrer l’offensive des groupes armés rebelles. Une aide sécuritaire controversée, les paramilitaires russes étant accusés de nombreuses exactions contre les civils.
Mais le soutien de la Russie à la Centrafrique ne se limite pas au volet militaire. L’accord signé lundi entre les deux partis au pouvoir prévoit ainsi d’« organiser régulièrement des consultations bilatérales pour échanger des informations » et partager « leurs expériences » en matière de « développement des partis ». Une manière pour Moscou de renforcer son influence jusque dans les arcanes du pouvoir centrafricain.
Un « partenariat pragmatique » pour le MCU
Côté centrafricain, cet accord est présenté comme un « partenariat politique » entre deux partis partageant « une idéologie centriste » et prônant le « pragmatisme et l’anti-radicalisme ». Une rhétorique qui n’est pas sans rappeler celle du Kremlin, prompt à dénoncer les velléités « révolutionnaires » de ses opposants. Pour un haut responsable du MCU, il s’agit avant tout de « solidifier les liens » avec un allié de poids, tout en réaffirmant que « l’accord ne concerne pas les deux pays, juste les partis ».
Une visite de Touadéra à Moscou qui ne passe pas inaperçue
La signature de cet accord intervient quelques jours seulement après une visite du président centrafricain Faustin Archange Touadéra en Russie. Un déplacement lors duquel il a une nouvelle fois salué l’aide apportée par de « braves guerriers » russes à son pays, des mercenaires que Moscou présente pudiquement comme de simples « instructeurs » militaires. Pour le chef de l’État centrafricain, ce soutien a « permis d’éviter une nouvelle guerre civile » en 2020-2021.
Une influence russe croissante qui inquiète
Si Bangui se félicite de cette coopération renforcée avec Moscou, d’autres voix s’inquiètent de l’emprise croissante de la Russie sur ce pays d’Afrique centrale, ravagé par les conflits depuis son indépendance. La Centrafrique fait partie de ces États où l’influence française, autrefois prédominante, est aujourd’hui largement contestée au profit de la Russie. Une situation qui résulte de la stratégie de Moscou sur le continent : proposer un appui sécuritaire en échange d’un accès privilégié aux ressources locales.
La Russie avance ses pions en Afrique en jouant sur les failles des États fragiles et en instrumentalisant les ressentiments antifrançais.
Un expert de la région cité sous couvert d’anonymat
Une méthode payante, comme en témoigne le renforcement continu des liens entre Bangui et Moscou, et ce malgré les critiques et mises en garde de la communauté internationale. Reste à savoir si cet alignement avec la Russie permettra réellement à la Centrafrique de sortir du cycle de violences et d’instabilité dans lequel elle est englué depuis des décennies. Ou si elle ne fait que substituer une dépendance à une autre, au détriment des intérêts et aspirations profondes du peuple centrafricain.
