En plein coeur des tensions diplomatiques entre Paris et Alger, l’arrestation d’un nouvel influenceur algérien en France fait des vagues. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a annoncé mercredi l’interpellation de cet individu, présenté comme « Rafik Meziane », pour des appels présumés à la violence sur le territoire français via le réseau social TikTok. Une communication jugée « prématurée » par le parquet de Paris, qui a sèchement recadré le ministre dans une rare prise de parole publique.
Présomption d’innocence bafouée ?
Dans un message laconique publié sur Twitter (rebaptisé « X »), le ministre Retailleau a affirmé vouloir « ne rien laisser passer », comme il l’avait déjà fait en janvier après l’arrestation d’un autre influenceur algérien, Mahdi B., finalement condamné et incarcéré. Mais le parquet n’a guère apprécié cette communication expéditive :
Il est rappelé que seule l’autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours et qu’une personne qui n’est pas jugée est présumée innocente. En l’occurrence, cette fuite est par ailleurs tout à fait prématurée.
– Parquet de Paris
Selon le ministère public, l’enquête ne fait que débuter suite à un signalement, et aucun élément n’est pour l’heure retenu contre l’influenceur, qui doit par ailleurs « suivre des soins ». Le parquet précise qu’il n’est « pas en garde à vue » à ce stade. Une source proche du dossier indique qu’après une perquisition et la saisie de son matériel informatique mercredi, il sera simplement convoqué jeudi, son état de santé ayant été jugé incompatible avec une garde à vue.
Vague d’interpellations d’influenceurs algériens
Depuis le début de l’année, plusieurs influenceurs algériens et une franco-algérienne font l’objet de procédures judiciaires en France pour des propos haineux tenus en ligne, incitant notamment à « brûler vif, tuer et violer » et appelant à des actes violents, souvent contre des opposants au régime algérien. Le cas le plus médiatisé est celui de « Doualemn », agent d’entretien de 59 ans expulsé vers l’Algérie avant d’être renvoyé en France, puis placé en rétention sur décision de justice.
La France « humiliée » par l’Algérie ?
Pour le ministre Retailleau, en renvoyant « Doualemn » vers Paris, les autorités algériennes ont cherché à « humilier la France », une accusation vivement rejetée par Alger qui évoque une « campagne de désinformation ». Ces tensions s’inscrivent dans un contexte diplomatique délétère entre les deux pays, cristallisé autour de dossiers comme le Sahara Occidental ou le sort de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné en Algérie.
Le gouvernement appelle à la désescalade
Malgré les vives réactions suscitées par ces affaires, l’exécutif français se veut plus mesuré. La porte-parole du gouvernement Ibiza Olivier a souligné mercredi qu' »aujourd’hui l’Algérie fait monter la tension » mais que « personne n’a intérêt à une escalade ». Une position partagée par des parlementaires comme Sophie Primas, qui plaide pour « ramener nos relations avec l’Algérie au même niveau qu’avec d’autres États » dans un esprit « d’apaisement sans naïveté ».
Ces épisodes mettent en lumière les défis posés par les réseaux sociaux dans un contexte géopolitique sensible. Entre liberté d’expression, lutte contre la haine en ligne et enjeux diplomatiques, l’équilibre apparaît complexe à trouver pour les autorités. Mais une chose est sûre : la justice entend garder la main et rappeler les principes intangibles de l’État de droit, au premier rang desquels la présomption d’innocence et sa compétence exclusive en matière de communication judiciaire.