C’est avec une profonde tristesse qu’Olga Mikhaïlova, principale avocate du célèbre opposant russe Alexeï Navalny, s’est confiée récemment depuis la France où elle vit désormais en exil. Celle qui a défendu pendant 16 ans celui qu’elle considère comme « un homme absolument extraordinaire » ne parvient pas à se pardonner de ne pas avoir réussi à le convaincre de ne pas rentrer en Russie en janvier 2021, après avoir survécu de justesse à un empoisonnement au Novitchok quelques mois plus tôt.
Le retour au pays du leader de l’opposition au président Vladimir Poutine a en effet déclenché une série d’évènements tragiques, à commencer par son arrestation immédiate et son emprisonnement. Puis, le 16 février 2024, Alexeï Navalny est mort subitement dans des circonstances plus que troublantes dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique. Un décès que ses proches et partisans n’hésitent pas à qualifier d’assassinat commandité par le Kremlin, Navalny lui-même ayant prédit dans ses mémoires qu’il finirait empoisonné en prison.
Une vengeance impitoyable du régime russe
Mais la vengeance du pouvoir russe ne s’est pas arrêtée là. Le 17 janvier 2025, trois des avocats de Navalny, Vadim Kobzev, Alexeï Liptser et Igor Sergounine, ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 5 ans et demi de prison ferme pour « extrémisme ». Une première dans la Russie moderne où jamais des avocats n’avaient été accusés en même temps que leur client. Un coup très dur porté aux droits de la défense, qu’Olga Mikhaïlova compare aux purges staliniennes des années 1930.
Pour accabler les défenseurs de Navalny, les autorités russes n’ont pas hésité à mettre sur écoute leurs conversations confidentielles avec leur client en prison. Un enregistrement illégal qui prouve que le secret professionnel avocat-client n’a plus cours en Russie aujourd’hui. Face à ces méthodes dignes des pires dictatures, Olga Mikhaïlova n’a eu d’autre choix que de fuir son pays pour se réfugier en France où elle a obtenu l’asile politique.
Une « erreur » de l’Occident qui a aggravé la situation
Depuis son exil parisien, l’avocate dénonce aussi « une très grosse erreur politique » commise selon elle par les pays occidentaux. En excluant la Russie du Conseil de l’Europe après l’invasion de l’Ukraine, ils ont privé les citoyens russes de la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Une décision lourde de conséquences pour Navalny dont les conditions de détention se sont drastiquement dégradées, le régime de Poutine se sentant dès lors tout puissant et en totale impunité.
Si la Russie avait continué à faire partie du Conseil de l’Europe et de la CEDH, peut-être que cette tragédie ne serait pas arrivée à Alexeï ou à ses avocats
– Olga Mikhaïlova
Le lourd tribut payé à son combat
Aujourd’hui réfugiée à Paris, Olga Mikhaïlova peine encore à se remettre de la mort de celui qu’elle considérait comme un homme exceptionnel. Durant leurs nombreuses années de collaboration, elle a vu Alexeï Navalny évoluer et s’endurcir en prison. Malgré l’adversité, il n’a jamais renoncé à ses convictions et à son combat pour une Russie plus libre et démocratique. D’où les regrets éternels de son avocate de ne pas avoir su le protéger :
Pendant de nombreuses années, j’ai été proche de cet homme absolument extraordinaire. Il s’était tellement endurci. Il avait tellement grandi dans tous les sens du terme que je pensais qu’il ferait un leader incroyable pour notre pays. Mais ça n’arrivera pas.
– Olga Mikhaïlova
Plus qu’un client, c’est un ami et un exemple que pleure aujourd’hui Olga Mikhaïlova. Comme des millions de Russes qui espéraient qu’Alexeï Navalny pourrait un jour faire tomber le régime autoritaire de Vladimir Poutine et ouvrir une nouvelle ère. Mais ce rêve s’est brisé un triste jour de février 2024 dans une sordide prison de l’Arctique. Là où le pouvoir a finalement réussi à faire taire son plus farouche opposant, mais sans parvenir à éteindre l’espoir qu’il a fait naître dans le cœur de nombre de ses concitoyens. Un héritage que ses partisans comme son avocate comptent bien honorer et perpétuer, pour qu’un jour son sacrifice n’ait pas été vain.
