En quelques minutes, vendredi 17 janvier, le Sénat a jeté un pavé dans la mare en votant la suppression des crédits alloués à l’Agence bio. Cette décision, qui acte la disparition de l’opérateur public chargé de promouvoir et structurer la filière bio, suscite depuis une vive polémique. Décryptage d’un dossier brûlant qui inquiète les acteurs d’un secteur déjà fragilisé.
Le Sénat supprime les crédits de l’Agence bio
C’est un amendement défendu par le sénateur LR Laurent Duplomb qui a mis le feu aux poudres. Vendredi, lors de l’examen du projet de loi de finances 2025, il a été adopté par la chambre haute, actant la suppression pure et simple des 2,9 millions d’euros de crédits versés à l’Agence bio. Concrètement, cela signifie la disparition de l’organisme public créé en 2001 pour promouvoir le label bio, assurer une mission d’observatoire du marché et financer la structuration des filières.
Le sénateur justifie cette coupe budgétaire comme un « bon moyen de faire des économies » et pointe du doigt une agence de plus parmi les milliers existantes en France. Mais les administrateurs de l’Agence bio, dont la Coopération agricole ou la grande distribution, dénoncent de leur côté des «économies de bouts de chandelle».
Les missions bio reprises par d’autres organismes
Pour Laurent Duplomb, les trois missions de l’Agence bio peuvent être reprises par d’autres structures sans avoir besoin d’une agence dédiée :
- L’observatoire du bio serait assuré par FranceAgriMer qui sort déjà les mêmes données
- La communication grand public irait à l’INAO, expert des labels de qualité comme l’AOP ou l’IGP
- La structuration des filières reviendrait aux interprofessions de chaque secteur (lait, fruits et légumes…)
Le ministère de l’Agriculture juge « pertinente » l’idée de supprimer l’Agence bio mais appelle à étudier les modalités pratiques avec les acteurs concernés pour assurer « un atterrissage en douceur ». Il s’agit de les convaincre que les missions seront bien reprises dans de bonnes conditions.
Inquiétude et colère des acteurs du bio
Mais cette suppression soudaine passe très mal auprès des professionnels du bio. Dans un communiqué, les administrateurs de l’agence, de la FNAB aux distributeurs spécialisés, dénoncent une « attaque en règle contre la transition écologique » et appellent à ne pas « casser l’outil » en dispersant ses compétences.
Il y a une agence dédiée à cette agriculture d’intérêt général qu’il ne faut pas casser en dispersant son patrimoine et son expertise aux quatre vents.
Alors que le bio est en croissance chez tous nos voisins, en particulier l’Allemagne, ne prenons pas l’autoroute de l’histoire à contresens!
déclarent-ils.
Producteurs, coopératives, transformateurs, distributeurs, associations… Toute la filière bio monte au créneau pour défendre le rôle « indispensable » de l’Agence bio. Un cri d’alarme dans un contexte déjà difficile pour le secteur, confronté à une baisse de la consommation depuis 3 ans. La part de marché du bio est retombée à 5,6% en 2023.
L’avenir du bio en question
Au-delà du sort de l’Agence bio, c’est la stratégie de développement de l’agriculture biologique qui semble remise en cause. En avril dernier, le gouvernement avait pourtant annoncé un ambitieux plan Ambition Bio 2027 visant à atteindre 18% de surface agricole utile en bio d’ici 2027, contre 10,3% actuellement. Cet objectif semble compromis sans l’appui de l’agence.
Plus largement, la décision du Sénat illustre les arbitrages budgétaires difficiles dans un contexte de réduction des déficits publics. Chaque ministère doit trouver des économies et les agences sont une cible privilégiée. Mais ces coupes inquiètent les filières concernées.
Pour le sénateur Duplomb, supprimer l’Agence bio « n’est pas limiter les moyens du bio » qui reste soutenu par le gouvernement. Mais sans cet outil fédérateur, l’avenir du secteur semble plus incertain que jamais. Le débat promet d’être animé dans les prochaines semaines à l’Assemblée nationale qui devra trancher en dernier ressort sur le budget 2025.