Une exposition exceptionnelle présentée au musée du Louvre à partir du 22 janvier 2025 lève le voile sur Cimabue, peintre visionnaire de la fin du XIIIe siècle en Italie. Bien que peu d’éléments soient connus sur sa vie, son œuvre a marqué un tournant décisif dans l’histoire de l’art occidental en ouvrant la voie au naturalisme.
Un précurseur du réalisme dans la peinture
Entre 1280 et 1290, Cimabue développe un style pictural radicalement novateur pour l’époque. Rompant avec les codes de représentation hérités de l’art oriental et byzantin, il cherche à créer une illusion d’espace tridimensionnel et à rendre les corps et objets avec un réalisme inédit. Ses tableaux témoignent d’une quête de naturalisme qui influencera profondément les générations suivantes de peintres italiens, à commencer par ses élèves Giotto et Duccio di Buoninsegna.
La Maestà, un chef-d’œuvre fondateur
Parmi la quarantaine d’œuvres rassemblées pour l’exposition, deux tableaux monumentaux de Cimabue, dont la restauration vient de s’achever, occupent une place centrale. La Maestà, une Vierge à l’Enfant saisissante rapportée d’Italie suite aux campagnes napoléoniennes, est souvent considérée comme « l’acte de naissance de la peinture occidentale » par les historiens de l’art.
Sa restauration a été l’occasion de découvrir des détails inédits qu’on ne percevait plus du tout, parmi lesquels la subtilité des coloris, dont l’éclat lumineux des bleus tous peints en lapis-lazuli, et des fragments d’écriture arabe, à laquelle il a été l’un des premiers à s’intéresser.
Thomas Bohl, conservateur et commissaire de l’exposition
Un ensemble exceptionnel réuni pour la première fois
L’autre œuvre majeure est La Dérision du Christ, petit panneau redécouvert en 2019 chez des particuliers en France et classé trésor national. Il fait partie d’un diptyque dont le Louvre présente pour la première fois les trois seuls éléments connus à ce jour.
Selon le commissaire, Cimabue y ancre la scène « dans le quotidien de son temps, en osant habiller les personnages de vêtements de son époque », faisant ainsi écho aux préoccupations des Franciscains promoteurs d’une spiritualité plus immédiate. L’exposition réunit également de rares manuscrits enluminés et met en regard des tableaux de prédécesseurs et successeurs du maître pour mieux cerner son apport décisif.
Une aura qui fascine depuis 7 siècles
Malgré le peu d’informations disponibles sur sa biographie, Cimabue n’a cessé de captiver artistes, poètes et historiens depuis le Moyen-Âge. C’est Dante qui forgea sa légende dès le début du XIVe siècle dans un passage de la Divine Comédie, lui conférant une aura qui ne s’est jamais démentie.
Si les lieux de vie et de travail de Cimabue restent incertains, on sait néanmoins qu’il œuvra dans les plus grandes églises d’Italie et jouit d’une renommée extraordinaire de son vivant. L’exposition s’achève sur la présentation du monumental Saint François d’Assise recevant les stigmates de Giotto, témoin de l’héritage fécond laissé par celui qui fut son maître.
À travers ce parcours inédit, le Louvre propose une plongée passionnante dans l’univers d’un créateur mystérieux qui révolutionna en profondeur les codes de la peinture. Une occasion unique de (re)découvrir un jalon essentiel de l’art occidental, dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui.