Un séisme secoue le mouvement Emmaüs. Mardi 21 janvier, lors d’une assemblée générale extraordinaire, l’association a acté une décision lourde de sens : le retrait de la mention « fondateur abbé Pierre » de son logo. Une page se tourne pour Emmaüs, ébranlé par les nombreuses accusations de violences sexuelles visant celui qui fut longtemps son icône et sa figure tutélaire.
33 victimes et un malaise grandissant
Depuis plusieurs mois, les langues se délient et les témoignages s’accumulent. Pas moins de 33 personnes, dont un mineur, affirment avoir subi des violences sexuelles de la part de l’abbé Pierre, décédé en 2007. Des révélations qui ont plongé le mouvement Emmaüs dans un profond désarroi, poussant ses responsables à commanditer des rapports indépendants pour faire la lumière sur ces agissements.
C’est un résultat sans appel. Sans renier ce qu’on doit à l’abbé Pierre, on doit continuer à travailler au service des publics vulnérables.
Bruno Morel, président d’Emmaüs France
Face à l’ampleur du scandale, le conseil d’administration d’Emmaüs France avait proposé dès septembre de retirer du logo la mention à son fondateur. Une mesure qui s’inscrit « dans la droite ligne de la démarche de reconnaissance et de respect à l’égard des victimes », précise un communiqué de l’association.
Une décision douloureuse mais nécessaire
Si l’abbé Pierre fera « toujours partie de l’histoire » d’Emmaüs, l’association estime qu’il devient « impossible d’honorer publiquement son image ». Le lieu de mémoire qui lui était dédié à Esteville, en Seine-Maritime, a également été définitivement fermé.
Pour Bruno Morel, cette décision permettra peut-être de « tourner une page très douloureuse, pour les victimes mais aussi pour le mouvement ». Une manière d’aller de l’avant, sans pour autant faire table rase du passé et de l’héritage, complexe et contrasté, laissé par l’abbé Pierre.
L’onde de choc des premières révélations
C’est un rapport publié en juillet qui a fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois, l’ampleur des actes répréhensibles imputés à cette figure iconique de la lutte contre la pauvreté était documentée de manière précise et circonstanciée. Un choc pour l’opinion publique, qui voyait soudain vaciller le piédestal sur lequel était juché ce personnage hors du commun.
Emmaüs face à son avenir
En actant le retrait de la mention « abbé Pierre » de son logo, Emmaüs espère tourner progressivement la page de ce douloureux épisode. Pour autant, l’association fondée en 1949, la plus ancienne de celles créées à l’initiative de l’abbé, entend poursuivre son engagement en faveur des plus démunis. Un combat plus que jamais d’actualité, dans une société marquée par des inégalités croissantes.
Reste à savoir si ce changement de logo suffira à restaurer la confiance et à dissiper le malaise suscité par l’affaire. Une chose est sûre : pour continuer à incarner les valeurs de solidarité et de respect qui sont les siennes, Emmaüs devra faire preuve d’une vigilance et d’une transparence sans faille. L’avenir du mouvement en dépend.