Coup de théâtre dans la politique américaine sur l’intelligence artificielle. Le président Donald Trump vient d’annuler un décret sur la sécurité de l’IA pris par son prédécesseur Joe Biden en octobre dernier. Une décision qui marque un changement d’approche majeur vers une réglementation plus modérée du secteur. Quelles en sont les implications et comment réagissent les acteurs concernés ?
Les exigences du décret Biden sur l’IA annulées
Le décret de Biden, dévoilé il y a moins d’un an, imposait plusieurs obligations aux entreprises développant des systèmes d’IA :
- Transmettre au gouvernement fédéral certaines données sur leurs modèles d’IA
- Communiquer les résultats de tests lorsque les programmes présentaient « un risque sérieux en termes de sécurité nationale, de sécurité économique nationale, ou de santé publique »
Il chargeait également le NIST (Institut national des standards et de la technologie) d’établir des recommandations et standards pour l’IA. Enfin, toutes les agences gouvernementales devaient évaluer les risques liés à l’IA dans leurs activités.
Vers une approche « moins interventionniste » de l’IA selon les experts
Si Donald Trump ne s’est pas exprimé directement sur le sujet, pour Darrell West, chercheur au Brookings Institute, sa décision indique que « son gouvernement va vers une approche moins interventionniste sur l’IA ». Le président souhaiterait « laisser plus de marges de manœuvre aux entreprises privées et aux agences gouvernementales dans leur utilisation de l’IA », analyse-t-il.
« Le décret (de Joe Biden) a joué un rôle utile pour définir l’approche des secteurs privé et public à un moment-clé pour la technologie. »
Centre pour la démocratie et la technologie (CDT)
Dean Ball, chercheur à l’université George Mason, ne trouve pas cette annulation « inquiétante ». Selon lui, le décret de Biden « voulait tout englober » et le gouvernement Trump « serait plus inspiré de traiter le sujet de façon plus mesurée et précise ».
L’encadrement de l’IA se poursuit malgré tout
Si le décret de Biden est annulé, cela n’induit pas pour autant le retrait de toutes les décisions prises sur l’IA par les agences gouvernementales, rassure le chercheur Dean Ball. Il rappelle aussi que de nombreuses lois encadrant l’IA ont déjà été votées au niveau des États et que beaucoup d’autres sont en préparation.
Certaines de ces initiatives s’inspirent du règlement européen sur l’IA adopté par les 27 pays de l’UE fin mai. Ce cadre législatif, qui entrera en application à partir de 2026, vise à favoriser l’innovation en Europe tout en limitant les risques de dérives de l’IA.
L’IA générative, une accélération aux opportunités et risques
L’émergence de l’IA générative depuis deux ans, avec ses capacités inédites à réaliser des tâches complexes de façon autonome, a marqué une accélération du développement de l’IA. Un progrès technologique qui suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétudes :
- Deepfakes : faux contenus (films, photos…) très réalistes créés par IA
- Risque de biais discriminants dans les décisions des systèmes d’IA
- Crainte d’une perte de contrôle dans des applications sensibles comme les logiciels militaires
Le challenge pour les régulateurs est donc de trouver le bon équilibre entre deux impératifs : favoriser l’innovation en matière d’IA tout en prévenant efficacement les possibles dérives. Une équation délicate qui pourrait expliquer l’approche graduelle et ciblée que semble privilégier le gouvernement Trump.
Un débat mondial et de long terme sur la gouvernance de l’IA
Au-delà des États-Unis et de l’Europe, la question de la réglementation de l’IA est un sujet brûlant partout dans le monde. De la Chine au Canada en passant par Singapour, de nombreux pays planchent sur des cadres pour réguler cette technologie stratégique.
Un enjeu global et de long terme, comme l’a souligné le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en appelant à un « code de conduite éthique » internationale pour l’IA. La décision de Donald Trump s’inscrit donc dans un vaste débat planétaire sur la gouvernance de l’IA, qui ne fait sans doute que commencer.
Un impact à surveiller sur l’écosystème de l’IA aux États-Unis
Quelles conséquences aura ce changement de cap réglementaire sur le dynamique secteur de l’IA aux États-Unis ? Si certains acteurs pourraient se réjouir à court terme d’avoir les mains plus libres, d’autres pourraient regretter la moindre sécurité juridique et craindre un impact sur la confiance du public.
Il faudra aussi surveiller d’éventuels mouvements de projets d’IA vers des juridictions perçues comme plus « IA-friendly ». Une certitude : tous les regards seront tournés vers les prochaines décisions et annonces du gouvernement Trump sur ce dossier brûlant. L’avenir de l’IA made in USA en dépend largement.