C’est un procès hors norme et hautement symbolique qui se tient actuellement devant la cour d’assises spéciale des mineurs de Paris. Sur le banc des accusés : Zaheer Mahmood, un jeune Pakistanais de 29 ans arrivé clandestinement en France en 2018. Les faits qui lui sont reprochés remontent au 25 septembre 2020. Ce jour-là, armé d’une feuille de boucher, ce musulman pratiquant et adepte d’un imam radical s’était rendu devant les anciens locaux du journal satirique Charlie Hebdo avec la ferme intention de « venger le Prophète ».
Quelques jours plus tôt, Charlie Hebdo avait en effet republié les fameuses caricatures de Mahomet à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015. Un geste qui n’avait pas manqué de provoquer la colère dans une partie du monde musulman. C’est dans ce contexte que Zaheer Mahmood est passé à l’action, ignorant que l’hebdomadaire avait déménagé après l’attentat meurtrier qui avait décimé sa rédaction cinq ans plus tôt.
Un acharnement d’une violence inouïe
Vers 11h40 ce matin du 25 septembre 2020, l’assaillant pakistanais s’est présenté devant l’ancienne adresse de Charlie Hebdo, rue Nicolas-Appert dans le 11e arrondissement de Paris. Là, il a agressé deux employés de l’agence de presse Premières Lignes qui se trouvaient en pause cigarette devant l’immeuble. D’après des sources proches de l’enquête, Zaheer Mahmood s’est acharné sur ses victimes, visant délibérément la nuque et le visage afin de les décapiter avec son hachoir.
Les deux hommes, grièvement blessés, ont heureusement survécu à cette attaque d’une violence inouïe. Mais ils garderont à vie les séquelles physiques et surtout psychologiques de cet épisode traumatisant. Présents chaque jour au procès, Hélène et Paul (prénoms modifiés) ont livré des témoignages poignants sur leur souffrance et celle de leurs proches. Des sanglots contenus ont résonné dans la salle d’audience lorsqu’Hélène a raconté son calvaire.
Un « pseudo justicier-vengeur du Prophète » selon l’accusation
Face à la gravité des faits, le parquet a requis la peine maximale à l’encontre de Zaheer Mahmood : 30 ans de réclusion criminelle, assortis d’une période de sûreté des deux tiers. Les avocats généraux ont dressé le portrait accablant d’un homme animé par « une idéologie arriérée », un « pseudo justicier-vengeur du Prophète » décidé à tuer ceux qu’il considérait comme des blasphémateurs.
Zaheer Mahmood s’est acharné sur les victimes dans l’idée de procéder à leur décapitation avec son hachoir brandi comme un trophée.
Un avocat général lors de son réquisitoire
Outre la peine de prison, le ministère public a également requis l’interdiction définitive du territoire français pour l’accusé et son inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes. Des réquisitions à la hauteur du « parcours de radicalisation extrêmement inquiétant » de Zaheer Mahmood, un jeune homme en perdition depuis son arrivée clandestine en France, en proie à un profond décalage culturel.
Des regrets tardifs de l’accusé
Lors de son procès, le principal accusé a exprimé à plusieurs reprises sa confusion et ses regrets, parfois en larmes. Il a expliqué qu’au moment des faits, il pensait « faire le bien pour l’islam » mais qu’il comprend aujourd’hui la portée de son geste. Des excuses qui n’ont guère convaincu les parties civiles tant la détermination meurtrière de l’assaillant ne faisait aucun doute.
J’ai beaucoup de peine pour eux. J’ai vraiment honte de ce que j’ai fait. De ce qu’ils ont subi à cause de moi. Je comprends leur souffrance, vraiment je regrette énormément.
Zaheer Mahmood lors de son procès
Cinq complices également jugés
Zaheer Mahmood n’est pas le seul sur le banc des accusés. Cinq de ses amis pakistanais comparaissent à ses côtés pour association de malfaiteurs terroriste. Selon l’accusation, ces hommes, dont certains étaient mineurs au moment des faits, étaient au courant du projet criminel et ont apporté leur soutien à l’assaillant, notamment en diffusant sa vidéo de revendication.
À leur encontre, le parquet a requis des peines allant de 3 à 13 ans de prison, estimant que « ce petit groupe a participé à la publicité de l’acte ». Car pour les magistrats, « les actes de valorisation sont la continuité de l’acte terroriste ». Des réquisitions sévères face à des accusés restés impassibles.
Un procès sous haute tension
Tout au long des deux semaines d’audience, les débats ont été particulièrement tendus dans la salle des « grands procès » du palais de justice de Paris. La souffrance et l’émotion étaient palpables du côté des parties civiles, venues en nombre soutenir les deux victimes. Leurs avocats se sont succédé à la barre pour réclamer une sanction juste et proportionnée à l’horreur des actes commis.
Si les murs de cette salle le pouvaient, ils pleureraient tellement la souffrance déborde.
Me Constance Dewavrin, avocate des parents de Paul, une des victimes
De leur côté, les avocats de la défense tenteront ce mercredi d’éviter la peine maximale à leur client, mettant en avant sa jeunesse, son parcours chaotique et ses remords, même tardifs. Mais au vu de la gravité des faits et du lourd passif de Zaheer Mahmood, il y a peu de chances que leurs arguments fassent mouche. Le verdict est attendu jeudi soir au terme de trois semaines d’un procès aussi exceptionnel que douloureux, qui ravive le souvenir des attentats de Charlie Hebdo.