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Menaces de mort à l’école : les caricatures de Charlie Hebdo en question

Un enseignant a reçu des menaces de mort après avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo en classe. Le débat fait rage entre défenseurs de la liberté d'expression et ceux qui réclament plus de respect des religions à l'école. Où se situe la limite ?

La liberté d’expression à l’école est à nouveau sous le feu des projecteurs. Quelques jours seulement après l’hommage national rendu aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo, un professeur d’histoire-géographie du Doubs a reçu des menaces de mort de la part d’une élève de 4ème. En cause : le fait d’avoir montré en classe des caricatures religieuses publiées par l’hebdomadaire satirique.

Une « blague » qui ne passe pas

Selon une source proche du dossier, l’enseignant avait présenté à ses élèves plusieurs caricatures de Charlie Hebdo dans le cadre d’un cours d’éducation civique, le 8 janvier dernier. Une semaine plus tard, une collégienne de 13 ans est venue le trouver pour lui dire qu’un lycéen voulait venir le tuer car il avait montré ces dessins. Inquiet, le professeur a porté plainte.

Placée en garde à vue, l’adolescente a rapidement reconnu avoir proféré ces menaces, tout en assurant qu’il s’agissait d’« une mauvaise blague » qu’elle « regrettait amèrement ». D’après le procureur, « c’est une jeune fille totalement immature qui ne se rend pas compte de la portée de ses propos ». Elle sera convoquée prochainement devant un délégué du procureur qui lui notifiera un avertissement pénal probatoire.

La difficile liberté d’expression à l’école

Cet incident illustre une nouvelle fois la complexité d’aborder le sujet des caricatures religieuses dans le cadre scolaire. Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, la question continue de diviser la société française. Pour les uns, montrer ces dessins relève de la liberté d’expression et participe à l’apprentissage de l’esprit critique. Pour les autres, c’est un manque de respect envers les croyances des élèves, voire une provocation.

Ce n’est pas possible, ça m’atteint personnellement. Je ne suis pas d’accord avec ces caricatures, c’est irrespectueux pour ma religion.

Une lycéenne musulmane

Face à ces tensions, le ministère de l’Éducation a récemment publié une circulaire pour clarifier les règles en matière de laïcité à l’école. Le texte rappelle notamment que les enseignants ont le droit d’utiliser des caricatures dans un « cadre pédagogique », à condition de respecter la sensibilité des élèves. Mais dans les faits, beaucoup disent craindre les réactions hostiles, voire les menaces.

Un débat de société plus que jamais d’actualité

Au-delà des établissements scolaires, c’est toute la société française qui semble parfois en difficulté avec le sujet épineux des caricatures religieuses. Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, les passions restent vives. Si la grande majorité condamne fermement la violence, les avis divergent sur l’opportunité de publier certains dessins vus comme blasphématoires.

  • Pour les partisans d’une laïcité stricte, ne pas montrer ces caricatures reviendrait à céder face à la pression des intégristes. La liberté d’expression, disent-ils, ne doit souffrir d’aucune exception, surtout quand il s’agit de critiquer les religions.
  • À l’inverse, d’autres appellent à davantage de mesure, estimant que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Publier des dessins moquant les prophètes ou les dieux serait une forme d’intolérance envers les croyants.

Entre ces deux visions, le fossé semble parfois béant. Philosophe engagé dans le dialogue interreligieux, Jean-Philippe Potel considère qu’un vrai travail de pédagogie et d’écoute mutuelle est nécessaire :

Il est urgent que ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas apprennent à se parler, à dépasser les malentendus. La liberté d’expression est un combat de tous les jours qui implique le respect de l’autre.

Jean-Philippe Potel, philosophe

Un appel au dialogue qui semble hélas loin d’être entendu, comme le montre l’affaire des menaces contre ce professeur du Doubs. Dix ans après le traumatisme des attentats de 2015, la société française reste plus que jamais divisée sur ces questions. Entre intolérance religieuse et tentation du blasphème, l’équilibre est décidément fragile. Le défi des années à venir sera de réussir à préserver la liberté d’expression sans attiser les tensions communautaires. Un sacré défi dans une France en quête de repères.

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