Les ambitions de Donald Trump sur le Groenland ne passent pas. Depuis que le président américain a évoqué début janvier la possibilité d’une intervention militaire pour placer ce territoire autonome danois sous contrôle des États-Unis, les réactions s’enchaînent des deux côtés de l’Atlantique. Autorités danoises et groenlandaises font front commun pour défendre avec fermeté la souveraineté de l’île arctique face aux convoitises américaines.
« Nous sommes Groenlandais, nous ne voulons pas être Américains »
C’est le message sans équivoque qu’a tenu à faire passer Mute Egede, le Premier ministre du Groenland, au lendemain de l’entrée en fonction de Donald Trump. Bien que reconnaissant la « situation difficile », le dirigeant a martelé lors d’une conférence de presse que « l’avenir du Groenland doit être décidé au Groenland ». Une position partagée par le gouvernement danois.
Nous ne pouvons pas avoir un ordre mondial dans lequel les pays, s’ils sont assez grands, peuvent se servir à leur guise.
Lars Løkke Rasmussen, ministre des Affaires étrangères danois
Malgré l’omission du Groenland dans son discours d’investiture, Donald Trump n’a pas manqué de réaffirmer ses velléités expansionnistes par la suite. « Le Groenland est un endroit merveilleux, nous en avons besoin pour la sécurité internationale », a-t-il déclaré, persuadé que le Danemark finira par céder. Le locataire de la Maison Blanche avait déjà brandi la menace début janvier de taxer fortement les produits danois en cas de refus.
Un territoire aux ressources convoitées
Au-delà de sa position stratégique, le Groenland attise les convoitises pour ses immenses réserves minières et pétrolières inexploitées. Un potentiel qui promet cependant d’être difficile d’accès. Les États-Unis disposent déjà d’une base militaire dans le nord-ouest de l’île.
Aspirant à l’indépendance vis-à-vis du Danemark, le Groenland s’est dit ouvert à une coopération renforcée avec Washington, mais certainement pas à une annexion. « Nous coopérons avec les États-Unis en matière de sécurité depuis 80 ans. Ils ont déjà une base militaire dans ce pays », a rappelé Mute Egede. Le Premier ministre groenlandais compte bien faire entendre directement la position de son pays aux Américains.
Le Danemark en première ligne
Principal soutien du Groenland, le Danemark se retrouve en première ligne face aux ambitions américaines. Si l’omission du territoire dans le discours de Trump a suscité un léger soulagement, les dirigeants danois restent sur leurs gardes. « Il y a de la place pour la diplomatie », veut croire un citoyen danois interrogé par l’AFP.
La Première ministre Mette Frederiksen a averti sur les réseaux sociaux que l’Europe devrait « naviguer dans une nouvelle réalité ». Tout en défendant le droit à l’autodétermination des Groenlandais, elle a aussi souligné la nécessité pour le Danemark de préserver son alliance avec les États-Unis, décrite comme la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale.
Une situation délicate qui promet de perdurer, comme l’a reconnu la cheffe de la Gauche verte après une réunion avec le gouvernement : « Nous devons reconnaître que les quatre prochaines années seront difficiles ». Car ce n’est pas la première fois que Donald Trump lorgne sur le Groenland. En 2019, il avait déjà proposé de l’acheter, essuyant à l’époque un refus catégorique.
Des enjeux géopolitiques majeurs
Derrière cet improbable bras de fer se jouent en réalité des enjeux géopolitiques et économiques cruciaux. Le Groenland occupe une position clé dans l’Arctique, une région où les intérêts des grandes puissances s’entrechoquent de plus en plus à mesure que le réchauffement climatique ouvre de nouvelles voies de navigation et d’exploitation des ressources.
En cherchant à mettre la main sur ce territoire, les États-Unis visent à renforcer leur présence dans une zone hautement stratégique tout en s’assurant un accès privilégié à ses immenses richesses naturelles. Une perspective qui inquiète les pays riverains, au premier rang desquels la Russie et la Chine, qui voient d’un mauvais œil ce renforcement de l’influence américaine aux portes de l’Arctique.
Le Groenland, entre autonomie et dépendance
Du côté groenlandais, cette crise met en lumière la complexité des relations avec le Danemark. Bien que jouissant d’une large autonomie depuis 2009, le territoire de 56 000 habitants reste dépendant de Copenhague sur le plan économique et en matière de politique étrangère et de défense. Un statut qui limite de facto sa marge de manœuvre face aux pressions extérieures.
Pour autant, l’attachement des Groenlandais à leur identité et à leur souveraineté ne semble pas prêt de fléchir. « C’est notre pays, notre avenir », martèle une jeune habitante interrogée par la presse locale. Un sentiment partagé par la majorité de la population, qui voit dans l’exploitation maîtrisée de ses ressources naturelles la clé d’une indépendance future.
Face à cette situation inédite, Danois et Groenlandais navigueront donc dans les eaux troubles de la géopolitique arctique. Avec en toile de fond un dilemme cornélien : comment concilier affirmation de leur souveraineté, préservation de leurs intérêts stratégiques et maintien de l’alliance vitale avec les États-Unis ? Un défi majeur qui testera la solidité de leur relation bilatérale dans les années à venir.