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Giorgia Meloni : Entre Atlantisme et Euroscepticisme ?

La présence remarquée de Giorgia Meloni à l'investiture de Donald Trump soulève des questions sur l'alignement géopolitique de l'Italie. Rome prend-elle ses distances avec Bruxelles au profit de Washington ? Analyse des enjeux pour l'Europe.

La présence de la Première ministre italienne Giorgia Meloni à la cérémonie d’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2025 n’est pas passée inaperçue. Seule dirigeante européenne présente, celle qui est parfois surnommée la « Trump au féminin » affichait une bienveillance appuyée envers le nouveau locataire de la Maison Blanche. Un rapprochement transatlantique qui pose question alors que les relations entre Rome et Bruxelles traversent une zone de turbulences.

L’axe Rome-Washington se renforce, au détriment des liens avec l’UE ?

Selon des sources proches du gouvernement italien, l’invitation personnelle de Donald Trump à Giorgia Meloni pour assister à son investiture est le signe qu’il la considère comme une « interlocutrice privilégiée » en Europe. Un statut qui semble ravir la cheffe de l’exécutif transalpin, quitte à donner l’image d’une Italie qui gravite de plus en plus dans l’orbite américaine.

Ce tropisme pro-américain tranche avec les relations glaciales qu’entretient actuellement Meloni avec plusieurs dirigeants européens, à commencer par Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Les prises de position souverainistes du gouvernement italien, notamment sur les questions migratoires et budgétaires, irritent fortement des partenaires qui appellent à « plus de solidarité ».

Avec Trump et Musk, les souverainistes en Europe risquent d’être les idiots utiles de la vassalisation américaine.

Gilles Gressani, directeur de la revue Le Grand Continent

Le spectre d’une Italie eurosceptique

Si officiellement Meloni se défend de tout « anti-européisme primaire », ses critiques répétées contre les « diktats » et la « bureaucratie » bruxelloise font craindre une dérive eurosceptique de la troisième économie de la zone euro. Une perspective qui alarme de nombreux responsables européens, d’autant que l’Italie reste un maillon faible en raison de son énorme dette publique.

Le gouvernement Meloni donne cependant des gages de son orthodoxie financière et de sa volonté de respecter ses engagements européens, notamment en matière de réformes et d’investissements liés au plan de relance post-covid. Mais sa « lune de miel » affichée avec Washington suscite un certain malaise.

L’Italie, cheval de Troie des États-Unis en Europe ?

Traditionnellement atlantiste, l’Italie a toujours cultivé une relation étroite avec les États-Unis, considérés comme le garant ultime de sa sécurité. Mais sous Meloni, cette proximité prend une dimension nouvelle avec une convergence idéologique assumée avec les républicains américains les plus conservateurs.

De quoi faire de l’Italie le « cheval de Troie » des intérêts américains en Europe ? Certains observateurs le redoutent, estimant que le gouvernement Meloni pourrait servir de « levier » à Trump pour affaiblir l’Union européenne de l’intérieur et imposer son agenda.

Les opposants d’hier font la queue pour embrasser la bague de Donald Trump.

David Thomson, correspondant de Radio France aux États-Unis

Meloni, héraut d’une « autre Europe » avec les conservateurs ?

Pour autant, il serait réducteur de réduire Meloni à une simple « disciple » de Trump. Son engagement européen reste sincère, mais elle entend incarner une « autre Europe », débarrassée de ses « élites déconnectées » et plus proche des peuples et des nations.

Un projet qu’elle compte porter avec ses alliés conservateurs à l’échelle du continent, de Viktor Orban en Hongrie aux Démocrates suédois en passant par le PiS polonais et Vox en Espagne. Une internationale qui mise sur les élections européennes de 2024 pour rebattre les cartes.

Si Meloni se pose plus en réformatrice qu’en destructrice de l’UE, sa relation privilégiée avec les États-Unis de Trump n’en reste pas moins un sujet d’inquiétude pour bon nombre de ses partenaires européens. L’équilibre s’annonce délicat à trouver pour le gouvernement italien, écartelé entre des injonctions contradictoires.

L’Europe face au défi des populismes transatlantiques

Plus fondamentalement, le tropisme américain de Meloni révèle les failles d’une Union européenne menacée d’éclatement sous la poussée des populismes. Face aux crises à répétition, le projet européen peine à convaincre et suscite des frustrations croissantes, dont s’emparent les mouvements eurosceptiques.

La tentation du repli national et d’un alignement sur Washington au détriment de la solidarité européenne n’en est que plus forte. Un défi existentiel pour une UE sommée de se réinventer pour éviter l’implosion. Mais les divisions et les égoïsmes nationaux rendent la tâche ardue.

Le cas Meloni illustre ainsi toutes les ambiguïtés et les fragilités de la construction européenne face à la résurgence des populismes des deux côtés de l’Atlantique. Un avertissement à prendre au sérieux pour tous les partisans d’une Europe unie et souveraine dans un monde de plus en plus polarisé.

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