Le spectre d’un conflit que l’on pensait révolu refait surface dans les montagnes isolées du Catatumbo, en Colombie. Cette région frontalière du Venezuela, dans le département de Norte de Santander, est aujourd’hui le théâtre d’affrontements sanglants entre deux anciennes alliées : l’Armée de Libération Nationale (ELN) et une faction dissidente des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Un bilan lourd et des milliers de déplacés laissent craindre le pire pour le processus de paix.
Un lourd tribut pour les civils
Depuis la reprise des hostilités la semaine dernière, le Catatumbo vit l’une des pires crises humanitaires de son histoire récente. Selon des sources proches du dossier, au moins 80 personnes auraient perdu la vie et plus de 11 000 auraient été contraintes de fuir leurs foyers. Des chiffres qui rappellent les heures les plus sombres du long conflit armé colombien, que l’accord de paix historique signé en 2016 avec les FARC avait permis d’apaiser.
Nous assistons à un phénomène de mutation du conflit interne en Colombie, passant d’un conflit politico-social et armé à une impasse de violences dans laquelle différents acteurs se disputent les territoires.
– Carlos Velandia, coordinateur du Centre d’études sur le conflit (GISDE)
D’ex-alliées pour le contrôle du territoire
Pourtant, l’ELN et les FARC ont longtemps été des alliées dans leur lutte révolutionnaire contre l’État colombien. Nées dans les années 1960 avec le même objectif de prise du pouvoir, les deux guérillas cohabitaient dans les montagnes reculées du Catatumbo via des « accords de coexistence » et de « coopération ». Mais le retrait des FARC suite à l’accord de paix de 2016 a rebattu les cartes, chaque faction cherchant à étendre son emprise sur cette région stratégique, propice à l’extorsion et au narcotrafic.
Le Catatumbo, une poudrière aux portes du Venezuela
Avec plus de 50 000 hectares de cultures de coca, le principal ingrédient de la cocaïne, le Catatumbo est un enjeu majeur pour le financement des groupes armés. Anciens frères d’armes, l’ELN et les dissidents des FARC s’accusent aujourd’hui mutuellement de trahison et d’extermination. Une escalade que le ministre de la Défense, Iván Velásquez, attribue à des « contradictions entre les deux organisations » sans pour autant identifier de déclencheur précis.
L’ombre de la frontière vénézuélienne
Pour certains experts, le contrôle des 2 200 kilomètres de frontière avec le Venezuela serait l’un des objectifs de l’ELN, faisant planer le spectre d’une internationalisation du conflit. Face à cette situation explosive, le président colombien Gustavo Petro, qui avait fait de la paix sa priorité, a été contraint de suspendre les négociations engagées avec l’ELN, accusé de « crimes de guerre ».
La crise du Catatumbo met en lumière la fragilité du processus de paix colombien et les défis immenses qui restent à relever pour mettre fin à des décennies de violence. Entre les intérêts du narcotrafic, les luttes de pouvoir des groupes armés et l’absence de l’État dans ces zones reculées, le chemin vers une paix durable s’annonce encore long et semé d’embûches pour les populations civiles, premières victimes de ce conflit sans fin.