Le destin d’une femme palestinienne de Cisjordanie bascule à nouveau. Imane Nafeh pensait enfin retrouver son mari, emprisonné depuis des décennies par Israël. Mais une terrible nouvelle l’attend : sitôt libéré, il sera exilé loin d’elle. Un nouveau déchirement pour ce couple séparé par les barreaux.
44 ans de prison, un record pour les détenus palestiniens
Naël Barghouthi, 68 ans, a passé 44 années derrière les barreaux en Israël, dont 34 années consécutives. Un triste record parmi les prisonniers palestiniens, selon une ONG qui défend leur cause. Condamné à perpétuité pour le meurtre d’un officier israélien et des attaques contre des sites israéliens, il était membre du Fatah avant de rejoindre le Hamas en détention.
Sa libération était prévue dans le cadre de l’accord de trêve entre Israël et le Hamas, en échange d’otages israéliens capturés lors d’une sanglante attaque du mouvement islamiste en octobre 2023. Imane, son épouse, avait ressenti « une immense joie » en découvrant son nom sur la liste des prisonniers concernés.
Une maison préparée pour des retrouvailles avortées
Dans leur village de Kaubar près de Ramallah, en Cisjordanie occupée depuis 1967, Imane avait tout préparé pour accueillir son mari. Des photos retraçant leur histoire parsemaient les murs. Mais rapidement, la douloureuse réalité s’est imposée : Naël faisait partie des 230 condamnés à l’exil à perpétuité par Israël.
« Imaginez une personne ayant passé 44 ans en prison, et maintenant on lui inflige une nouvelle peine : l’exil »
confie Imane Nafeh, désemparée.
Un couple uni malgré la séparation
Imane et Naël ont une histoire hors du commun. Lui l’a remarquée à la télévision alors qu’elle aussi était emprisonnée. Libérée après 10 ans, elle a accepté sa demande en mariage transmise par sa famille. Ils se sont unis en 2011, lors d’une précédente libération de Naël.
Mais leur bonheur fut de courte durée. Trois ans plus tard, Naël était de nouveau arrêté et sa peine rétablie, les condamnant à une nouvelle séparation.
« C’était un mariage national. Tout le monde était heureux pour nous. C’était un signe d’espoir. »
se remémore Imane, nostalgique de ce jour lumineux.
L’amertume de l’exil forcé
Alors que les premiers prisonniers étaient relâchés conformément à l’accord, les espoirs d’Imane de retrouver son époux se sont évanouis. Ces 230 Palestiniens condamnés pour attaques mortelles contre des Israéliens seront bannis définitivement, vraisemblablement vers la Turquie ou le Qatar d’après des sources proches des négociations.
Dans le petit jardin de leur maison, Imane espérait voir Naël savourer les fruits des arbres qu’il avait plantés durant son bref retour. Aujourd’hui, ce rêve s’envole. A 68 ans, ce nouvel exil lui apparaît comme « une injustice absolue ».
« Je suis convaincue qu’il refusera cette décision et préfèrera rester en prison plutôt que d’être expulsé »
souffle Imane, déterminée à ne pas perdre espoir malgré tout.
L’histoire d’Imane et Naël illustre le lourd tribut payé par d’innombrables familles palestiniennes, déchirées par des décennies de conflit. Alors qu’une fragile trêve s’installe, leur combat pour être réunis continue, par-delà les murs des prisons et les frontières de l’exil.