Dans un discours percutant prononcé à Madrid, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a tiré la sonnette d’alarme sur l’influence grandissante de ce qu’il nomme la « technocaste » de la Silicon Valley. Selon lui, cette élite technologique utiliserait sa mainmise sur les réseaux sociaux pour orienter le débat public et, in fine, peser sur l’action des gouvernements occidentaux. Une dérive qui constituerait une « menace particulièrement grave » pour nos démocraties.
La technocaste, un pouvoir qui dépasse les urnes
Pour Pedro Sánchez, il est urgent de rappeler un principe fondamental : en démocratie, le pouvoir émane des citoyens, selon la règle « une personne, une voix ». Or, l’influence disproportionnée des géants du numérique remettrait en cause cet équilibre.
« La démocratie, ce n’est pas un euro un vote, ce n’est pas un tweet un vote, c’est une personne un vote »
Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol
Face à cette dérive, le dirigeant socialiste en appelle à une rébellion citoyenne et à la construction d’alternatives. Un combat crucial à ses yeux, alors même que s’ouvre cette semaine la présidence de Donald Trump, soutenu par certains des plus grands patrons de la tech comme Elon Musk.
L’Europe, rempart contre l’hégémonie de la Silicon Valley ?
Pour Pedro Sánchez, l’Europe a un rôle clé à jouer pour défendre la démocratie face à l’emprise de la technocaste. Cela passe notamment par la définition d’une vision claire et partagée en matière d’intelligence artificielle. L’enjeu : ne pas laisser le champ libre aux géants américains et chinois dans la course à l’innovation, tout en préservant nos valeurs démocratiques.
Cette prise de position fait écho aux mises en garde du président américain sortant Joe Biden. Ce dernier a récemment dénoncé l’émergence d’un « complexe technologico-industriel » mêlant intérêts financiers et politiques, et s’est dit inquiet de voir les États-Unis tomber aux mains d’une « oligarchie ».
Elon Musk, fer de lance d’une « internationale réactionnaire » ?
Pedro Sánchez n’a pas manqué de pointer du doigt le rôle trouble joué par Elon Musk, patron de Tesla et de Twitter. Ce dernier, soutien affirmé de Donald Trump, multiplie les déclarations fracassantes sur les réseaux sociaux, n’hésitant pas à s’immiscer dans les débats politiques au Royaume-Uni ou en Allemagne pour y porter des idées d’extrême-droite.
Début janvier, le Premier ministre espagnol avait déjà accusé le milliardaire de mener une « internationale réactionnaire » s’attaquant ouvertement aux institutions démocratiques et attisant la haine en ligne. Une dérive qui illustre les nouveaux défis posés à nos démocraties par la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques géants du numérique.
Vers un nouveau contrat social à l’ère numérique ?
Au-delà de la dénonciation, l’enjeu est de repenser notre modèle démocratique à l’heure où les réseaux sociaux bousculent les règles traditionnelles du débat public. Comment garantir la libre expression des opinions tout en luttant contre la désinformation et les discours de haine ? Quelle régulation pour des acteurs transnationaux échappant largement au contrôle des États ?
Autant de questions cruciales qui appellent un large débat citoyen et la construction d’un nouveau contrat social adapté aux défis de notre temps. Un chantier immense et urgent, alors que monte la défiance envers nos institutions et que progressent les populismes surfant sur les peurs et les colères exprimées en ligne.
Face à la « technocaste », la démocratie est à réinventer. Un combat de longue haleine qui engage la responsabilité de chacun, des décideurs politiques aux citoyens en passant par les acteurs du numérique eux-mêmes. Car comme le rappelle Pedro Sánchez, c’est bien le modèle de société que nous voulons pour demain qui est en jeu.
