Imaginez un instant partager votre foyer avec un animal sauvage pesant plus de 100 kg, aux défenses acérées et au tempérament imprévisible. C’est pourtant le pari risqué que font certains en adoptant des sangliers comme animaux de compagnie. Mais derrière l’apparente originalité de cette pratique se cache un danger bien réel, tant pour les humains que pour les animaux eux-mêmes. Plongeons ensemble dans les méandres d’une tendance aussi fascinante qu’inquiétante.
L’appel de la nature : quand l’instinct reprend le dessus
Aussi dociles et attachants puissent-ils paraître une fois apprivoisés, les sangliers n’en restent pas moins des animaux sauvages, guidés par leur instinct. Selon un expert en comportement animal interrogé par nos soins, « Les sangliers domestiqués peuvent afficher des comportements agressifs ou destructeurs, notamment lors des périodes de rut. Même un marcassin élevé au biberon reste un animal imprévisible à l’âge adulte ». Une réalité souvent sous-estimée par des propriétaires aveuglés par leur affection.
Des blessures graves à la clé
Les incidents liés à la détention de sangliers domestiques ne sont pas rares. D’après une source proche des services vétérinaires, ces animaux « peuvent charger lorsqu’ils se sentent menacés ou stressés. Leurs défenses et grès sont capables de causer des blessures graves ». Un constat alarmant qui met en lumière les dangers bien réels de cette cohabitation contre-nature entre l’Homme et ces suidés imposants.
En plus des risques de blessures, les sangliers sont porteurs de maladies zoonotiques, transmissibles à l’Homme, ainsi que de nombreux parasites.
Un vétérinaire spécialisé dans la faune sauvage
Une réglementation stricte, souvent méconnue
Face à ces risques avérés, la loi française encadre strictement la détention d’animaux sauvages par des particuliers. L’arrêté du 8 octobre 2018 fixe la liste des espèces non domestiques pouvant faire l’objet d’une demande de certificat de capacité auprès des préfectures. Si les sangliers y figurent, aux côtés d’autres animaux comme certains wallabies ou rapaces, obtenir ce précieux sésame relève souvent du parcours du combattant.
Outre les conditions drastiques de détention imposées, visant à garantir le bien-être animal et la sécurité des personnes, c’est aussi toute une batterie d’examens et de vaccins qui attend le futur détenteur. « Les particuliers sont invités à faire appel à des vétérinaires spécialisés et à vacciner les animaux », précise Aline Maatouk, chargée de mission faune sauvage à la Fondation 30 Millions d’amis. Un investissement considérable qui en rebute plus d’un.
Un avenir incertain pour les sangliers apprivoisés
Lorsque la préfecture refuse d’accorder le précieux certificat de capacité, c’est bien souvent l’euthanasie qui guette ces sangliers domestiqués, devenus inadaptés à une réintroduction dans leur milieu naturel. « Un sanglier apprivoisé perd ses réflexes de survie essentiels, comme la méfiance envers les prédateurs et les humains. Cela le rend particulièrement vulnérable dans la nature », déplore un agent de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
Mais même au sein des groupes sociaux de leurs congénères sauvages, leur réinsertion s’avère délicate : « Les sangliers apprivoisés ont souvent du mal à se réinsérer dans les groupes sociaux sauvages, où les hiérarchies sont strictes. Ils peuvent être rejetés, voire attaqués », ajoute-t-il. Un constat amer qui souligne l’impasse dans laquelle se trouvent ces animaux, victimes collatérales d’une tendance aussi adorable en apparence que cruelle dans les faits.
Des alternatives pour les amoureux des animaux
Plutôt que de céder à la tentation d’adopter un animal sauvage, il existe de nombreuses façons, légales et éthiques, de côtoyer et de protéger la faune locale :
- S’impliquer dans des associations de protection de la nature
- Participer à des programmes de sciences participatives pour recenser la biodiversité
- Aménager son jardin pour accueillir la petite faune sauvage (oiseaux, hérissons…)
- Soutenir des sanctuaires et des centres de soins pour animaux sauvages
En agissant ainsi, chacun peut contribuer à préserver l’équilibre fragile de nos écosystèmes, tout en respectant le bien-être animal et sa propre sécurité. Car s’il est tentant de vouloir apprivoiser la nature, il est de notre devoir de la protéger, elle et ses créatures, dans toute sa complexité et sa beauté sauvage.