L’Inde est en proie à une vague aussi sournoise que dévastatrice d’escroqueries en ligne. Le stratagème ? Un simple coup de fil d’un soi-disant policier suffit à dépouiller les victimes de leurs économies. Kamta Prasad Singh, enseignant retraité du Bihar, en a fait la cruelle expérience. « Je suis ruiné, confie-t-il au bord des larmes. J’ai perdu le sommeil, je n’ai plus faim… »
Son cauchemar commence par l’appel d’un homme prétendant être un fonctionnaire de l’autorité de régulation des télécoms. Péremptoire, il affirme que l’Aadhaar de M. Singh – ce numéro d’identification biométrique de chaque citoyen indien – a été utilisé pour des paiements frauduleux. « Il m’a dit que la police du Maharashtra était en route pour m’arrêter », se souvient la victime.
Un stratagème bien rodé
Le modus operandi est implacable. Lors d’un appel vidéo WhatsApp, un homme en uniforme somme M. Singh d’effectuer un virement « temporaire » pour régulariser sa situation. Terrifié, le retraité s’exécute et se déleste de 16 000 euros. Depuis, il est inconsolable. « Pendant des années, j’ai évité les dépenses superflues pour mettre cet argent de côté », se lamente-t-il.
Une crédibilité troublante
Pour asseoir leur crédibilité, les escrocs piratent les vrais numéros Aadhaar de leurs cibles. « Ils réussissent parfaitement à convaincre, note Sushil Kumar, un policier spécialiste des cybercrimes. Ils savent aussi trouver en ligne les détails qui rendent crédibles leur usurpation d’agents officiels ».
Ces fraudes « fondées sur la peur » ont ému jusqu’au Premier ministre Narendra Modi, qui a promis la coopération de toutes les polices du pays pour les combattre.
Des victimes de tous horizons
Personne n’est épargné. L’écrivaine septuagénaire Kaveri s’est fait berner par un prétendu agent de FedEx au sujet d’un colis piégé expédié en son nom. Un faux « policier » l’a convaincue de transférer près de 140 000 euros pour prouver son innocence. Ruinée, elle a dû quitter son logement et vit désormais dans la méfiance.
Selon le policier Kumar, si la sécurité des transactions bancaires est en cause, la crédulité des victimes dans une Inde en pleine numérisation y est aussi pour beaucoup. Meeta, auxiliaire de santé, s’est ainsi vu extorquer 2200 euros par un autre faux policier qui l’a poussée à contracter un prêt en ligne pour prouver sa bonne foi. Même si elle a porté plainte, elle doit rembourser la banque et maudit ces « escrocs sans âme ».
Un fléau difficile à endiguer
Face à ces arnaques protéiformes qui brisent des vies, les autorités semblent désarmées. Les escrocs rivalisent d’ingéniosité, allant jusqu’à mettre en scène de faux commissariats avec talkie-walkies pour piéger leurs proies. Dans un pays où l’usage d’internet explose, le manque de méfiance et de discernement des usagers reste le meilleur allié de ces cybercriminels sans scrupules. Un constat amer qui appelle à une prise de conscience collective pour endiguer ce fléau virtuel, mais dont l’impact n’a rien d’immatériel.
