À l’aube d’un changement majeur à la tête des États-Unis, le président sortant Joe Biden a effectué dimanche un dernier déplacement hautement symbolique. Direction la Caroline du Sud, État clé dans sa victoire présidentielle de 2020, pour un message d’espoir adressé à la nation américaine.
C’est au cœur de la communauté afro-américaine, à l’église protestante Royal Missionary Baptist Church de Charleston, que Joe Biden a choisi de passer ce dimanche pas comme les autres. La veille de l’investiture de Donald Trump, son adversaire politique, le démocrate de 82 ans a tenu à honorer la mémoire de Martin Luther King Jr., icône de la lutte pour les droits civiques assassiné en 1968.
Un lieu chargé d’histoire et d’émotion
Charleston n’a pas été choisie par hasard. Cette ville de Caroline du Sud porte les stigmates de l’esclavage, de la ségrégation raciale et, plus récemment en 2015, d’une terrible fusillade raciste perpétrée par un suprémaciste blanc contre des fidèles noirs. Neuf vies fauchées, dans ce qui reste l’une des pires tueries racistes de l’histoire récente des États-Unis.
C’est dans ce contexte lourd que Joe Biden, fervent catholique, a assisté à l’office religieux dimanche matin. L’émotion était palpable lorsqu’il a pris la parole devant l’assemblée :
À chaque fois que je passe du temps dans une église noire, je pense à une chose : le mot « espoir ».
Joe Biden
Un message optimiste malgré l’adversité
Dans son allocution, le président sur le départ a cité ses deux modèles de toujours : Martin Luther King Jr. donc, mais aussi le sénateur Bobby Kennedy, autre figure emblématique assassinée la même année que le leader du mouvement des droits civiques. Une manière de rappeler que malgré les drames et les épreuves, l’espoir doit demeurer.
Certes, Joe Biden n’a pas manqué de pointer, sans le nommer, les dérives de son successeur Donald Trump, évoquant « l’abus de pouvoir » comme « le plus grand des péchés ». Mais le ton se voulait résolument optimiste, bien plus que lors de ses adieux solennels à la nation mercredi dernier :
La foi nous enseigne que l’Amérique de nos rêves est toujours plus proche que ce qu’on pense. Gardons la foi pour des jours meilleurs !
Joe Biden
La Caroline du Sud, État clé dans la victoire de Biden
En venant une dernière fois en tant que président dans cet État du Sud-Est, Joe Biden boucle en quelque sorte la boucle. C’est en effet grâce au soutien de la communauté afro-américaine de Caroline du Sud, avec l’appui décisif du parlementaire démocrate Jim Clyburn, que Biden avait remporté la primaire en 2020. Une étape cruciale vers sa victoire finale face à Donald Trump.
Comme l’a souligné avec émotion Jim Clyburn dans son éloge, « Joe Biden a été ce dont le pays avait besoin », regrettant toutefois que son « bon ami » ne soit « pas toujours apprécié à sa juste valeur ». Une amertume compréhensible au moment de passer le flambeau à un adversaire politique aux antipodes.
La question de la peine de mort en toile de fond
La visite de Joe Biden à Charleston aurait initialement dû se dérouler dans une autre église, celle-là même où il était venu se recueillir en 2015 après la funeste tuerie raciste. L’auteur, condamné à mort, avait vu sa peine confirmée en 2021 par une cour d’appel fédérale, sans toutefois de date d’exécution programmée du fait du moratoire imposé par l’administration Biden.
Un moratoire qui prendra fin avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, fervent partisan de la peine capitale. Juste avant Noël, le président sortant avait d’ailleurs commué 37 peines capitales prononcées par la justice fédérale, maintenant toutefois celles de criminels comme Dylann Roof, le tueur de Charleston. Un sujet sensible qui ne manquera pas de refaire surface.
Une dernière grâce présidentielle à forte portée symbolique
Parmi les dernières grâces accordées dimanche par Joe Biden, c’est celle de Marcus Garvey qui retiendra l’attention. Ce Jamaïcain, militant de la cause noire et figure centrale du mouvement rastafari, a été gracié de manière posthume. Défenseur d’un retour des descendants d’esclaves noirs vers l’Afrique, il a ouvert la voie du panafricanisme avant de décéder en 1940.
Un geste fort, à la veille de l’investiture de Donald Trump, qui en dit long sur l’attention portée par Joe Biden aux combats passés et à venir pour l’égalité et la dignité. Dans un pays toujours traversé par les tensions raciales, le président démocrate aura tenu jusqu’au bout à incarner cette quête de justice et de concorde.
Alors que s’ouvre une nouvelle page de l’histoire américaine, avec son lot d’incertitudes et de défis, les paroles de Joe Biden résonnent comme un testament. Un appel à ne pas perdre espoir, à rester soudés et à croire en des lendemains meilleurs. Même si le chemin s’annonce semé d’embûches, le message est clair : la foi en l’avenir doit demeurer inébranlable.