La France est sous le choc. Les révélations successives d’agressions sexuelles présumées impliquant l’Abbé Pierre, figure emblématique admirée de tous pour son engagement envers les plus démunis, ont plongé le pays dans la consternation. Face à l’ampleur de l’affaire et à la multiplication des témoignages, la justice a été saisie et une enquête pourrait être ouverte.
Vers l’ouverture d’une enquête judiciaire ?
Vendredi dernier, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), a annoncé avoir effectué un signalement au procureur de la République. L’objectif ? Que la justice se penche sur ces accusations visant l’Abbé Pierre, disparu en 2007, et évalue l’opportunité d’ouvrir une enquête. Une démarche forte qui intervient après la publication par le cabinet Egaé d’un nouveau rapport faisant état de 9 témoignages supplémentaires, dont un viol sur mineur et des abus incestueux.
Des faits anciens mais une parole qui se libère
Si les faits dénoncés sont pour la plupart prescrits, remontant parfois à plusieurs décennies, les langues se délient progressivement. Depuis les premières révélations en octobre dernier, pas moins de 33 personnes affirment avoir été victimes d’agressions sexuelles de la part de l’Abbé Pierre, dont certaines alors mineures au moment des faits allégués. Un chiffre qui ne cesse de croître au fil des semaines.
C’est un homme qui avait une emprise psychologique et spirituelle énorme. Se plaindre de lui, c’était comme se plaindre de Dieu le père.
Une victime présumée.
Emmaüs et l’Eglise réagissent
Du côté d’Emmaüs, association fondée par l’Abbé Pierre, c’est la stupéfaction. La fondation a réagi en qualifiant désormais son fondateur de « prédateur sexuel » et assure vouloir faire toute la lumière sur ces agissements. Une cellule d’écoute a été mise en place pour recueillir la parole des victimes.
L’Eglise catholique, déjà ébranlée par de nombreux scandales d’abus sexuels, se retrouve une nouvelle fois au cœur de la tourmente avec cette affaire. Si la CEF a rapidement saisi la justice, certains lui reprochent d’avoir tardé à réagir et s’interrogent sur une possible omerta autour de celui qui fut longtemps un « intouchable ».
Et maintenant ?
La balle est désormais dans le camp de la justice qui va devoir déterminer les suites à donner à ce signalement de la CEF. Si une enquête venait à être ouverte, elle devra faire la lumière sur ces accusations et tenter d’établir les faits, malgré l’ancienneté de certains et le décès de l’Abbé Pierre il y a 16 ans.
Au-delà des conséquences judiciaires, cette affaire pose question sur le long chemin qu’il reste à parcourir en matière de lutte contre les violences sexuelles dans l’Eglise. Et sur la nécessité de continuer à libérer la parole des victimes, quel que soit le statut de leur agresseur.