La motion de censure déposée contre le gouvernement en fin d’année dernière continue de faire parler d’elle. Au-delà de la dégradation de la note de la dette française par l’agence Moody’s, qui a sanctionné Paris d’un « Aa3 » au lieu du flatteur « Aa2 », c’est au tour de la Légion d’honneur d’en faire les frais. En effet, selon des sources proches du dossier, la dernière promotion de la plus haute décoration française aurait été directement impactée par cet événement politique majeur.
Des externalités négatives en cascade
Depuis que des députés du Rassemblement National ont joint leurs voix à celles du Nouveau Front Populaire pour faire tomber le gouvernement de Michel Barnier, les conséquences, qu’elles soient directes ou indirectes, ne cessent de se multiplier. Si la dégradation de la note financière de la France par Moody’s était attendue, personne n’avait anticipé que la grande institution qu’est la Légion d’honneur serait elle aussi touchée par cette crise politique.
Pourtant, il semblerait bien que ce soit le cas. D’après nos informations, la liste des personnalités devant être décorées lors de la prochaine promotion aurait été remaniée en dernière minute, certains noms prestigieux ayant mystérieusement disparu. Une situation inédite qui soulève de nombreuses questions sur les coulisses de cette affaire d’État.
Le gouvernement Darmanin dans la tourmente
Si le ministère de la Justice se refuse pour l’instant à tout commentaire, certains observateurs pointent du doigt la responsabilité du nouveau garde des Sceaux Gérald Darmanin dans ce qui s’apparente à un véritable camouflet pour l’institution. Le locataire de la place Vendôme, déjà très critiqué pour sa gestion musclée des affaires régaliennes, se serait-il laissé aller à des pressions pour revoir la liste des impétrants ?
Une source anonyme au sein du gouvernement assure pourtant que le ministre n’y est pour rien, laissant entendre que la décision de revoir la promotion viendrait de plus haut. De l’Élysée ? Difficile à dire tant le secret est bien gardé sur cette affaire. Une chose est sûre cependant : cette censure de la Légion d’honneur risque de faire grand bruit dans les prochains jours et de fragiliser encore un peu plus un exécutif déjà bien malmené.
Des questions sans réponses
Au-delà des responsabilités, de nombreuses zones d’ombre demeurent. Quels sont les noms qui ont été retirés de la liste ? Pour quelles raisons ? S’agit-il de personnalités controversées dont la nomination aurait pu faire polémique en pleine crise politique et sociale ? Ou au contraire de serviteurs de l’État dont on aurait voulu minimiser le rôle et l’engagement ?
Contactée par notre rédaction, la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur n’a pas souhaité commenter l’affaire, se retranchant derrière le caractère confidentiel des délibérations. Un mutisme qui ne fait qu’ajouter au climat de suspicion entourant cette promotion pas comme les autres.
Une institution fragilisée
Au-delà des enjeux politiques, c’est bien l’image et la crédibilité de la Légion d’honneur qui risquent de sortir durablement abîmées de cet épisode. Comment ne pas y voir en effet une forme d’ingérence du pouvoir dans le fonctionnement d’une institution qui se doit pourtant de rester indépendante et apolitique ?
Fondée par Napoléon Bonaparte en 1802, la « Légion » comme on la surnomme a traversé tous les régimes et toutes les époques, honorant « les mérites éminents acquis au service de la nation ». Une mission et des valeurs que cette affaire de censure vient dangereusement remettre en question.
Vers une réforme en profondeur ?
Face au tollé qui s’annonce, certains en appellent déjà à une grande réforme de l’institution pour la protéger des pressions et des interférences politiques. Un chantier de grande ampleur qui pourrait être l’occasion de revoir en profondeur les critères et les procédures de nomination, dans un souci de transparence et d’exemplarité.
Mais le gouvernement aura-t-il le courage et la volonté de s’attaquer à ce dossier brûlant ? Rien n’est moins sûr tant les urgences s’accumulent par ailleurs pour l’exécutif. En attendant, c’est une Légion d’honneur affaiblie et questionnée qui s’apprête à accueillir sa nouvelle promotion. Une cérémonie qui s’annonce d’ores et déjà sous haute tension.
L’opposition à l’affût
Sans surprise, l’opposition n’a pas tardé à s’emparer de l’affaire pour fustiger « l’amateurisme » et « l’autoritarisme » du gouvernement Darmanin. À droite comme à gauche, les critiques fusent contre un exécutif accusé de bafouer les institutions et les traditions républicaines.
C’est une atteinte gravissime à l’indépendance et au prestige de la Légion d’honneur. Emmanuel Macron et Gérald Darmanin devront rendre des comptes !
– a tonné le chef des députés Les Républicains
Un son de cloche similaire du côté du Rassemblement National et de la NUPES, pourtant peu habitués à faire front commun. Preuve s’il en fallait que l’affaire est suffisamment sérieuse pour transcender les clivages partisans.
2024 en ligne de mire
Reste à savoir quelles seront les conséquences politiques à moyen et long terme de ce nouveau couac gouvernemental. À un an des élections européennes et à deux ans de la présidentielle, c’est peu dire que le timing est malvenu pour le camp macroniste.
Déjà confronté à une impopularité record et à une montée des extrêmes, le chef de l’État pourra-t-il se relever de ce qu’il faut bien appeler une faute politique et une erreur de casting quant à son ministre de la Justice ? L’avenir nous le dira mais une chose est sûre : ses adversaires auront du grain à moudre et entendent bien en profiter pour marquer des points dans l’opinion.
Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives pour l’exécutif, avec la nécessité de reprendre rapidement la main pour éviter que cette affaire ne se transforme en véritable boulet. Un défi d’autant plus ardu que les dossiers sensibles s’accumulent, de la réforme des retraites au budget en passant par le pouvoir d’achat et la transition écologique.