Au Nicaragua, des milliers d’hommes et de femmes cagoulés de noir ont prêté serment pour devenir « policiers volontaires ». Ce recrutement massif intervient dans le cadre d’une réforme constitutionnelle très critiquée par l’opposition, qui y voit la création de « paramilitaires ».
Selon des images diffusées par les médias officiels, environ 2500 personnes vêtues de t-shirts blancs, pantalons noirs et le visage dissimulé sous une cagoule noire se sont mises en rangs mercredi et jeudi dans les départements d’Esteli et Madriz, au nord du pays. Elles ont prêté serment devant le chef de la police nationale, Francisco Diaz.
Un processus lancé par le gouvernement
La vice-présidente Rosario Murillo, épouse du président Daniel Ortega, a annoncé que le recrutement de ces « policiers volontaires » se poursuivrait dans les prochains jours à travers le pays. Cette « police volontaire » est créée dans le cadre d’une vaste réforme constitutionnelle, approuvée en première lecture par l’assemblée nationale en novembre.
Rappel des événements de 2018
La mise en place de ce « corps auxiliaire » des forces de sécurité rappelle les hommes cagoulés et lourdement armés qui étaient intervenus lors des manifestations antigouvernementales de 2018 pour démanteler les barricades érigées par les manifestants. Ces événements avaient fait plus de 300 morts selon l’ONU, alors que le gouvernement évoquait une tentative de coup d’État orchestrée par Washington.
Vives réactions de l’opposition en exil
Les opposants nicaraguayens exilés ont vivement réagi à cette prestation de serment. Des médias basés au Costa Rica comme Confidencial et 100% Noticias parlent de « paramilitaires cagoulés ». L’écrivaine Gioconda Belli, en exil en Espagne, a fustigé sur les réseaux sociaux « une armée sans loi, répressive, élevée au rang constitutionnel ».
Daniel Ortega, de la révolution au pouvoir sans partage
Âgé de 79 ans, Daniel Ortega avait déjà dirigé le Nicaragua dans les années 1980 après le triomphe de la révolution sandiniste dont il était l’un des leaders. Revenu au pouvoir en 2007, il a depuis réformé la Constitution à de multiples reprises pour renforcer son emprise sur le pays, permettant notamment un nombre illimité de mandats présidentiels.
Une réforme constitutionnelle qui fait débat
La réforme constitutionnelle en cours, qui doit encore être validée lors d’une prochaine session du Parlement contrôlé par le parti au pouvoir (FSLN), définit le Nicaragua comme un État « révolutionnaire » et « socialiste ». Elle intègre dans les symboles nationaux le drapeau rouge et noir de l’ancienne guérilla sandiniste. Elle accroît encore l’emprise présidentielle, Rosario Murillo devenant co-présidente et les dirigeants étant désormais élus pour des mandats de six ans et non plus cinq.
Ce recrutement massif de « policiers volontaires » encagoulés et cette réforme constitutionnelle controversée soulèvent de nombreuses inquiétudes au Nicaragua et au sein de la communauté internationale quant à une dérive autoritaire du régime de Daniel Ortega.
– Un diplomate européen sous couvert d’anonymat
Face à ces développements préoccupants, l’opposition nicaraguayenne en exil appelle la communauté internationale à accroître sa vigilance et sa pression sur le gouvernement Ortega-Murillo, afin de préserver les acquis démocratiques durement gagnés après des décennies de dictature et de conflits.