C’est une rencontre pour le moins inattendue qui s’est déroulée ce vendredi à Kiev. Alors que les relations entre l’Ukraine et la Slovaquie traversent une zone de turbulences depuis la coupure des livraisons de gaz russe le 1er janvier dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a choisi de recevoir un invité surprise : le chef de l’opposition libérale slovaque, Michal Simecka.
Un geste fort alors que le Premier ministre slovaque Robert Fico, réputé proche de Vladimir Poutine, ne décolère pas depuis l’interruption du transit gazier décidée par Kiev à l’expiration de l’ancien contrat, malgré la poursuite de l’invasion russe en Ukraine. Le nationaliste Fico était même allé jusqu’à menacer de suspendre l’aide aux réfugiés ukrainiens si une « négociation » n’était pas engagée.
Une main tendue malgré les tensions
Face à cette pression, la réponse de Volodymyr Zelensky a été pour le moins déroutante. Dans un message laconique sur X (ex-Twitter), il a invité Robert Fico à le rejoindre à Kiev ce vendredi, non sans l’accuser au passage de « magouilles opaques avec Moscou ». Mais c’est finalement le chef de l’opposition Michal Simecka qui a saisi la balle au bond.
« Nous étions censés venir, alors je suis là. »
Michal Simecka, sur Facebook
Pour le leader du parti libéral Slovaquie Progressiste, l’objectif est clair : « rouvrir la porte que Robert Fico a claquée avec ses accès d’agressivité ». Une initiative saluée par Volodymyr Zelensky, qui s’est dit « prêt à aider le peuple slovaque avec la stabilité énergétique », sans plus de précisions.
Énergie et diplomatie : l’Ukraine en première ligne
Au-delà du cas slovaque, cette rencontre illustre la position délicate de l’Ukraine sur l’échiquier énergétique européen. Avant la guerre, le pays était un maillon essentiel du transit du gaz russe vers l’UE. Mais depuis l’invasion, Kiev tente de se défaire de cette dépendance tout en gérant les conséquences pour ses voisins.
Une équation complexe sur fond de crise diplomatique avec la Russie, qui oblige l’Ukraine à jouer sur plusieurs tableaux. D’un côté, maintenir la pression sur Moscou en coupant une partie des flux gaziers. De l’autre, rassurer ses partenaires européens sur sa fiabilité et sa volonté de coopération.
L’opposition slovaque, un relais inattendu
Dans ce contexte, la main tendue de Zelensky à l’opposition slovaque apparaît comme un geste habile. En contournant le gouvernement pro-russe de Robert Fico, Kiev s’assure un canal de communication alternatif avec Bratislava, tout en marquant des points sur le plan politique.
Reste à savoir si cette rencontre débouchera sur des avancées concrètes. Michal Simecka a en tout cas profité de sa visite pour réaffirmer le soutien de son parti à l’Ukraine, appelant à un rapprochement entre les deux pays « parce que nous sommes voisins, et nous devons être en mesure de parler même de questions qui peuvent être sensibles ».
Vers une sortie de crise ?
Au final, cette rencontre surprise pourrait bien contribuer à désamorcer les tensions entre Kiev et Bratislava. En ouvrant le dialogue avec l’opposition, Zelensky montre sa volonté de trouver une issue à ce bras de fer énergétique, sans pour autant céder sur ses principes face à la Russie.
Un message qui sera sans doute scruté de près dans les chancelleries européennes, alors que l’Ukraine continue de pousser pour une adhésion rapide à l’UE. Et une manière habile pour Kiev de reprendre la main dans ce dossier sensible, en jouant la carte de la diplomatie multilatérale.
Les prochaines semaines diront si cette stratégie portera ses fruits. Mais une chose est sûre : en recevant l’opposition slovaque malgré les tensions, Volodymyr Zelensky prouve une nouvelle fois son sens politique et sa capacité à rebattre les cartes, même dans les situations les plus compliquées. Un atout de taille pour l’Ukraine, qui continue de naviguer en eaux troubles plus d’un an après le début de l’invasion russe.