En cette veille d’élections européennes, l’historien et philosophe Marcel Gauchet et l’ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, l’Union européenne est en train d’opérer un véritable “coup d’état de droit permanent” qui sape insidieusement la souveraineté des États membres.
Une “mutilation juridique de la souveraineté” française
Arnaud Montebourg ne mâche pas ses mots. Invité par le Conseil d’État à s’exprimer sur les enjeux de souveraineté, il accuse l’institution de participer activement, par ses décisions récentes, à une véritable “mutilation juridique” de la souveraineté nationale. La France se retrouve progressivement dépossédée de ses leviers d’action, soumise à une tutelle européenne de plus en plus contraignante.
Nous avons beaucoup de pertes de souveraineté et les Français tout comme les dirigeants le savent et le ressentent.
Arnaud Montebourg
L’ancien ministre pointe du doigt la perte de contrôle sur des domaines aussi cruciaux que la politique budgétaire, la politique industrielle ou encore les règles du commerce international. Autant de compétences arrachées aux États au profit d’institutions européennes notoirement déficitaires en légitimité démocratique.
Marcel Gauchet : l’Europe, une “non-démocratie” qui nie les nations
De son côté, Marcel Gauchet enfonce le clou. Pour le philosophe, l’Europe se construit aujourd’hui comme une “non-démocratie”, un système politique inédit où la seule loi qui vaille est celle des intérêts économiques de quelques-uns. Une “grosse ligue hanséatique” médiévale plutôt qu’une véritable union de nations souveraines.
- L’Europe actuelle détruit les États-nations sans rien proposer à la place
- Elle ne devient pas un État-nation, ni même une fédération d’États ou de nations
- C’est un système hybride et bricolé, au service d’intérêts économiques particuliers
Marcel Gauchet voit dans cette dérive une négation profonde de ce qui fait l’essence même de la démocratie et de la souveraineté populaire. En refusant de devenir elle-même un État-nation ou une fédération assumée, l’Europe sape les fondements des nations qui la composent, sans rien proposer de viable et légitime en échange.
Repenser d’urgence le projet européen
Face à ce constat alarmant, nos deux penseurs en appellent à une refondation en profondeur du projet européen. Il est urgent de repenser les institutions de l’UE pour les rendre plus démocratiques, plus transparentes, plus respectueuses des souverainetés nationales.
L’Europe ne peut perdurer sans l’adhésion des peuples. Elle doit redevenir un projet collectif enthousiasmant, et non une énième technostructure désincarnée et illégitime.
Marcel Gauchet et Arnaud Montebourg
Cela passe par de vraies réformes institutionnelles, comme la mise en place d’un véritable gouvernement européen responsable devant les citoyens, ou l’octroi de pouvoirs accrus au Parlement. Mais aussi par un changement de logiciel idéologique : il faut remettre le politique et la volonté des peuples au cœur de la construction européenne, et non plus seulement le droit et l’économie.
Un chantier immense et semé d’embûches, mais ô combien nécessaire si l’on veut sauver ce qui peut encore l’être du rêve européen. Gauchet et Montebourg nous rappellent l’urgence d’agir, avant qu’il ne soit trop tard. Espérons que leur cri d’alarme sera entendu.