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Une journaliste échappe aux poursuites dans l’affaire du secret défense

La journaliste A. Lavrilleux, visée dans l'affaire du secret défense, vient d'être placée sous le statut de témoin assisté. Échappe-t-elle ainsi à un procès ? Une victoire pour la liberté de la presse ou la protection des secrets d'État ? Les dessous d'une affaire qui interroge...

Dans une affaire qui oppose le secret défense à la liberté de la presse, la journaliste française Ariane Lavrilleux vient de connaître un rebondissement majeur. Mise en cause pour avoir révélé de possibles détournements d’une opération militaire par l’Égypte, elle a annoncé ce vendredi avoir été placée sous le statut de témoin assisté.

Si ce statut est maintenu jusqu’au terme de la procédure, Ariane Lavrilleux pourrait ainsi échapper à un procès. Une issue qui soulage la reporter, pour qui ces révélations relevaient de l’intérêt public et n’auraient « jamais dû être classées secret défense ».

Une opération militaire détournée ?

L’affaire prend sa source dans plusieurs articles publiés depuis 2019 par le média d’investigation Disclose. Des enquêtes qui se penchaient sur les ventes d’armes françaises à l’étranger, mais aussi sur la mystérieuse opération « Sirli ».

D’après des sources proches du dossier, cette mission de l’armée française aurait pu être détournée par Le Caire pour cibler des opposants au régime. Des allégations explosives, qui ont valu à Ariane Lavrilleux d’être visée par une plainte du ministère de la Défense pour « divulgation du secret de la défense nationale ».

Vers un non-lieu pour la journaliste ?

Perquisitionnée et placée en garde à vue en septembre dernier, la reporter a finalement été auditionnée ce vendredi pendant trois heures. À l’issue de cet interrogatoire, elle s’est vue notifier son placement sous le statut de témoin assisté.

Un soulagement pour la journaliste, qui y voit la reconnaissance de « l’intérêt public » de son enquête et « l’absence d’indices graves ou concordants » contre elle. Si ce statut est confirmé, Ariane Lavrilleux échapperait ainsi aux poursuites.

La justice a montré qu’elle était indépendante, qu’elle n’était pas le bras armé du ministère de la Défense.

Ariane Lavrilleux, journaliste

Un ancien militaire mis en examen

Parallèlement, un ancien militaire a été mis en examen en juillet 2022 pour « détournement et divulgation du secret de la défense nationale par son dépositaire ». Il a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre de cette instruction.

Des éléments qui laissent penser que la justice cherche à faire la lumière sur cette affaire, tout en protégeant ses sources. Une position d’équilibriste entre secret d’État et droit à l’information.

Un cadre légal jugé insuffisant

Pour autant, Ariane Lavrilleux estime que « ce n’est pas la fin de la bataille ». La journaliste plaide pour une évolution de la législation française, jugée insuffisamment protectrice envers les reporters.

Nous sommes très inquiets à Reporters sans frontières de ce qui se passe dans ce dossier.

Thibaut Bruttin, directeur général de RSF

Un constat partagé par une centaine d’organisations, qui ont appelé lundi le gouvernement à réformer un cadre légal permettant « de poursuivre les journalistes et de les perquisitionner ».

Le difficile équilibre entre sécurité et transparence

Cette affaire illustre une nouvelle fois la tension entre la protection des secrets d’État, garante de la sécurité nationale, et le droit à l’information, pilier de toute démocratie. Un équilibre délicat, que le législateur peine à trouver.

Si le placement d’Ariane Lavrilleux sous le statut de témoin assisté peut être vu comme une victoire pour la liberté de la presse, beaucoup estiment qu’il reste du chemin à parcourir. Car dans une démocratie, le contrôle de l’action publique par les citoyens passe aussi par le regard aiguisé de journalistes libres d’enquêter.

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