En octobre 2015, la paisible commune de Biot, dans les Alpes-Maritimes, a été frappée par de terribles inondations qui ont coûté la vie à vingt personnes. Parmi les victimes, trois pensionnaires d’un Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (Ehpad) qui ont tragiquement péri noyées dans leur chambre. Près de huit ans après le drame, la justice vient de condamner la ville à indemniser la famille de l’une des résidentes décédées.
Une nuit d’horreur à l’Ehpad du Clos Saint-Grégoire
Le soir du 3 octobre 2015, de violents orages s’abattent sur la Côte d’Azur, transformant les rivières en torrents de boue. À Biot, une vague de submersion dévastatrice envahit plusieurs quartiers, dont le rez-de-chaussée de l’Ehpad du Clos Saint-Grégoire, géré à l’époque par le groupe Orpea.
Trois résidentes âgées de 82 à 94 ans périssent noyées dans leur chambre, tandis que dix-huit autres passent de longues heures dans le noir, prisonnières d’une eau boueuse montant jusqu’à 1,25 mètre. Une nuit d’horreur pour ces personnes vulnérables et leurs proches.
La maire de Biot jugée responsable
Après une longue procédure judiciaire, le tribunal administratif de Nice vient de rendre son verdict. Dans son jugement, il pointe du doigt « l’existence d’une carence fautive de la maire de Biot dans l’exercice de ses pouvoirs de police » le jour de la catastrophe.
Les juges estiment que cette carence « a fait perdre une chance sérieuse à la victime de ne pas mourir noyée ». Ils reprochent notamment à l’édile de n’avoir déclenché le plan communal de sauvegarde qu’à 21h30, au moment précis où la vague de submersion envahissait l’Ehpad, et de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des résidents, pourtant exposés à un risque d’inondation connu.
Une indemnisation pour le préjudice moral
En conséquence, le tribunal a condamné la commune de Biot à verser 34 000 euros à la famille d’une résidente de 91 ans décédée cette nuit-là. Cette somme comprend 20 000 euros pour le préjudice d’angoisse de mort subie par la victime, ainsi que 14 000 euros pour le préjudice moral de ses proches.
« La maire n’avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des résidents de cet établissement, pourtant exposé au risque d’inondation »
Extrait du jugement du tribunal administratif de Nice
Une inondation prévisible
Cette décision de justice met en lumière les manquements des autorités locales face à un risque naturel pourtant identifié. L’Ehpad du Clos Saint-Grégoire, situé en bordure de la Brague, était en effet répertorié en zone inondable.
Malgré ce danger connu, aucune mesure spécifique n’avait été prise pour protéger les résidents ou organiser une éventuelle évacuation en cas de crue. Un défaut de précaution qui s’est révélé fatal ce soir d’octobre 2015.
Un lourd tribut humain
Au-delà des pertes matérielles, les inondations de Biot auront surtout laissé un terrible bilan humain. Outre les trois pensionnaires de l’Ehpad, 17 autres personnes ont perdu la vie dans la catastrophe, faisant de ces intempéries les plus meurtrières survenues en France depuis la tempête Xynthia en 2010.
Un précédent juridique
Le jugement du tribunal administratif constitue une première reconnaissance de la responsabilité d’une commune dans le décès de personnes vulnérables lors d’une inondation. Une décision qui pourrait faire jurisprudence et inciter les municipalités à renforcer leurs dispositifs de prévention et de gestion de crise.
Car au-delà du cas spécifique de Biot, cette tragédie rappelle la nécessité pour les autorités d’adapter l’urbanisme et les plans de secours à la réalité du changement climatique. Avec la multiplication attendue des événements météorologiques extrêmes, protéger les populations, en particulier les plus fragiles, doit devenir une priorité absolue.
Un devoir de mémoire
Près de huit ans après le drame, cette décision de justice offre une forme de reconnaissance à la souffrance des familles endeuillées. Si elle ne pourra jamais effacer leur peine, elle a le mérite de ne pas laisser ces morts dans l’oubli et l’indifférence.
Car au-delà des considérations juridiques et financières, se souvenir de ces vies fauchées et des circonstances qui ont conduit à leur perte reste un devoir. Un devoir de mémoire, mais aussi de vigilance, pour que de telles tragédies ne se reproduisent plus.
Un long combat pour la vérité
Pour les proches des victimes, cette décision de justice marque l’aboutissement d’un long et douloureux combat. Pendant des années, ils se sont battus pour que la lumière soit faite sur les circonstances du drame et que les responsabilités soient établies.
Face à l’inertie des autorités et aux lenteurs de la procédure, beaucoup auraient pu renoncer. Mais portés par leur soif de vérité et de justice, ils ont tenu bon, avec pour seule arme leur détermination.
Leur ténacité a fini par payer. En reconnaissant la carence fautive de la commune, le tribunal leur donne raison et valide leur combat. Une victoire juridique, mais aussi morale, pour ces familles meurtries qui peuvent enfin commencer leur deuil.
Une indemnisation nécessaire mais insuffisante
Si la décision du tribunal administratif est importante, elle n’en reste pas moins très en deçà des attentes des plaignants, qui réclamaient 140 000 euros. Un montant bien supérieur aux 34 000 euros finalement accordés.
Mais au-delà de la question des sommes, c’est surtout le principe même d’une indemnisation qui interroge. Car comment chiffrer la valeur d’une vie ? Comment mesurer l’abîme d’une perte ? Aucun montant, aussi élevé soit-il, ne pourra jamais compenser la douleur d’un deuil et l’absence d’un être cher.
Pourtant, dans notre système juridique, les indemnisations restent le seul moyen de reconnaître un préjudice et de sanctionner une faute. Un palliatif bien imparfait, mais qui a le mérite d’exister et de rappeler que ces vies perdues ne sont pas sans valeur.
Une leçon pour l’avenir
Au-delà de la réparation individuelle, cette décision de justice doit surtout être un avertissement pour les autorités locales de tout le pays. Face à la menace croissante des catastrophes naturelles, aucune négligence ne peut plus être tolérée lorsqu’il s’agit de protéger les populations.
Cela implique de revoir nos modes d’urbanisation, de repenser l’aménagement des zones à risques et de renforcer les dispositifs d’alerte et d’évacuation. Cela suppose aussi d’allouer les moyens humains et financiers nécessaires à la prévention et à la gestion de crise.
Car la tragédie de Biot nous rappelle cruellement qu’en matière d’inondations, comme pour tous les risques naturels, il n’y a pas de fatalité, mais seulement des choix et des responsabilités. À nous de faire en sorte que les leçons en soient tirées, pour que chaque vie compte et soit protégée. Nous le devons aux victimes, à leurs familles et à nous-mêmes.