La capitale du Soudan du Sud, Juba, se réveille sous haute tension ce vendredi matin. Suite à une manifestation qui a dégénéré en pillages de commerces appartenant à des Soudanais dans la soirée de jeudi, les autorités ont dû prendre des mesures d’urgence pour tenter de ramener le calme. Un couvre-feu nocturne a ainsi été décrété à partir de 18h.
Selon des sources proches des évènements, le rassemblement initial avait pour but de protester contre le meurtre présumé de 29 Sud-Soudanais dans l’état d’Al-Jazira au Soudan voisin, pays actuellement plongé dans un conflit interne sanglant. Mais les choses ont rapidement échappé à tout contrôle, la foule s’en prenant violemment aux magasins tenus par la communauté soudanaise à Juba.
La police en alerte maximale
Face à l’escalade des violences, les forces de l’ordre sud-soudanaises ont dû recourir à des tirs pour disperser les manifestants déchaînés. L’inspecteur général de la police, Abraham Manyuat, a justifié la mise en place du couvre-feu comme une mesure préventive indispensable pour «prévenir toute violation de propriétés publiques ou privées».
Si un calme précaire semble être revenu dans les rues de Juba vendredi matin, la plupart des commerces restent fermés par crainte de nouvelles exactions. L’armée et la police maintiennent un dispositif de sécurité renforcé aux points névralgiques de la ville. Des tirs sporadiques ont encore été entendus.
Appels à la retenue
Face au risque d’embrasement, la présidence sud-soudanaise est montée au créneau dès jeudi soir, appelant la population «à la retenue». Dans un communiqué, le bureau du président Salva Kiir a exhorté à laisser les «gouvernements du Soudan du Sud et du Soudan régler cette question», mettant en garde contre le fait de «laisser la colère obscurcir notre jugement».
Nous ne devons pas laisser la colère obscurcir notre jugement, et les individus qui fuient les violences méritent la protection.
Le bureau du président Salva Kiir
Un pays marqué par l’instabilité
Ces tensions interviennent dans un contexte déjà très volatil au Soudan du Sud. Le plus jeune état du monde, indépendant depuis 2011, est en proie à une instabilité chronique sur fond de luttes de pouvoir, corruption endémique et conflits ethniques récurrents. Une guerre civile dévastatrice entre 2013 et 2018 y a fait 400 000 morts et des millions de déplacés.
De nombreux Soudanais ont trouvé refuge chez leur voisin du sud pour échapper à la guerre qui ravage leur propre pays depuis avril dernier. Un conflit sanglant y oppose l’armée régulière aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), faisant des dizaines de milliers de victimes et plongeant des centaines de milliers de personnes dans la famine.
Craintes de propagation
Les évènements de Juba font écho à la reprise cette semaine par l’armée soudanaise de la ville de Wad Madani, capitale de l’état d’Al-Jazira, jusque-là contrôlée par les FSR. C’est justement dans cette zone que le meurtre des 29 Sud-Soudanais, élément déclencheur des manifestations, se serait produit.
Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a fait part vendredi de sa vive préoccupation, estimant que le conflit au Soudan devenait «encore plus dangereux pour les civils». Il a pointé «des preuves de crimes de guerre et d’autres atrocités» dans l’état d’Al-Jazira, avec notamment des attaques à caractère ethnique contre des groupes minoritaires.
Face à ce regain de tensions, la communauté internationale craint que l’instabilité chronique du Soudan ne se propage chez son voisin du sud, menaçant une région déjà parmi les plus fragiles au monde. Tous les regards sont désormais tournés vers les autorités sud-soudanaises pour voir si elles parviendront à contenir cette nouvelle flambée de violences et éviter un embrasement incontrôlable.