Alors que le président élu américain Donald Trump promet de mettre fin à la guerre en Ukraine, les soldats ukrainiens originaires des territoires occupés par la Russie se retrouvent écartelés entre leur désir de paix et leur volonté de libérer leurs terres et leurs proches. Un cessez-le-feu laisserait en effet une partie du pays aux mains de Moscou, figeant potentiellement les lignes de front pour longtemps.
Le Douloureux Dilemme des Combattants
Volodya, un chauffeur de l’armée ukrainienne qui utilise un pseudonyme pour protéger sa famille, est tiraillé entre son envie de retrouver sa mère, restée dans leur village sous occupation russe, et son refus de voir son pays amputé par la force. « Je suis partagé parce que je veux que nos gars cessent de mourir, mais je veux aussi revoir ma mère », confie-t-il depuis Kramatorsk, principale ville du Donbass encore contrôlée par Kiev.
« J’aimerais pouvoir entrer calmement dans mon village sous drapeau ukrainien, plutôt que sous le drapeau russe, d’être et de me sentir à la maison. »
– Volodya, soldat ukrainien
Ce sentiment est partagé par de nombreux soldats et civils ukrainiens. Si une trêve permettrait à la population de souffler après bientôt trois ans de guerre, elle pourrait aussi entériner la perte d’environ 20% du territoire, l’objectif martelé par Vladimir Poutine.
La Nostalgie d’une Vie d’Avant-Guerre
Pour Volodya et ses camarades, les souvenirs des jours heureux dans leurs villes et villages aujourd’hui occupés restent vifs. Enfance insouciante, repas en famille, flâneries entre amis… autant d’images d’un bonheur simple mais désormais inaccessible.
« On restait assis du matin au soir à jouer aux cartes, manger des graines de tournesol et des crackers, et parler de tout et de rien. »
– Volodya, évoquant son repaire d’adolescent
Ioury, un officier de 35 ans, se remémore quant à lui les paysages industriels du bassin minier du Donbass, avec ses terrils noirs se dressant à l’horizon comme des montagnes. Une quiétude balayée par les roquettes et les obus…
Reconquérir ou Négocier ?
Si certains Ukrainiens se disent prêts à des concessions territoriales, en hausse de 32% en octobre à 38% en décembre selon un sondage, beaucoup jugent impensable de renoncer aux régions annexées par Moscou. Ioury estime ainsi que ceux prônant un cessez-le-feu devraient en discuter avec les familles des soldats tués au combat.
« Ils seraient mieux à même de dire si on doit renoncer à 20% des terres ukrainiennes ou si cela vaut la peine de poursuivre notre lutte. »
– Ioury, officier ukrainien
Pour Oleksandre, un commandant de 41 ans originaire de Crimée, péninsule annexée dès 2014 par la Russie, une trêve ne ferait que donner au Kremlin le temps de reconstituer ses forces avant de s’emparer de nouveaux territoires. « L’appétit vient en mangeant », résume-t-il.
L’Espoir Malgré Tout
Malgré les obstacles, l’espoir d’une réunion avec leurs proches reste vivace chez ces soldats séparés des leurs. Oleksandre rêve ainsi de pouvoir à nouveau étreindre ses parents pro-russes restés en Crimée, même s’il a coupé les ponts avec eux.
Quant à Volodya, il parle chaque jour à sa mère au téléphone, sentant parfois son inquiétude poindre malgré ses efforts pour se maîtriser. Il tente de la rassurer à distance, conscient que les bombardements font rage autour d’elle. Et conclut désormais chacun de leurs appels en lui disant « je t’aime », comme un vœu pour des jours meilleurs.
Une chose est sûre : la paix tant espérée par ces soldats aura forcément un goût doux-amer. Celui de retrouvailles avec leurs terres et leurs familles, mais au prix d’un renoncement douloureux. Un dilemme cornélien qu’aucune promesse venue de l’étranger ne saurait apaiser.