La capitale du Soudan du Sud, Juba, a été le théâtre de violentes manifestations jeudi soir, dégénérant en pillages de commerces appartenant à des ressortissants soudanais. Face à ces débordements, les autorités ont réagi en imposant un couvre-feu nocturne à partir de 18h, comme l’a annoncé l’inspecteur général de la police nationale Abraham Manyuat.
Selon une source proche du dossier, cette manifestation avait été organisée pour protester contre des rumeurs faisant état du meurtre récent de 29 citoyens sud-soudanais dans l’État d’Al-Jazira au Soudan voisin, pays en proie à une guerre civile depuis avril 2023. Malgré l’intervention de la police qui a tiré des coups de feu pour disperser la foule, aucune victime n’était à déplorer selon les premiers éléments.
Un calme précaire et des manifestations qui s’étendent
Si un calme relatif semblait être revenu vendredi matin à Juba, avec seulement quelques tirs sporadiques, la plupart des commerces restaient fermés. L’armée et la police avaient été déployées aux principaux carrefours de la ville. Mais la tension est loin d’être retombée, puisque de nouvelles manifestations ont éclaté plus tard dans la matinée, non seulement à Juba mais aussi dans d’autres villes du pays comme Bor, Aweil et Wau.
Appels à la retenue et à la protection des réfugiés
Face à cette situation explosive, la présidence sud-soudanaise a appelé « à la retenue » dans un communiqué transmis jeudi soir. Le président Salva Kiir a déclaré :
Je vous appelle tous à exercer de la retenue et à permettre aux gouvernements du Soudan du Sud et du Soudan de régler cette question. Nous ne devons pas laisser la colère obscurcir notre jugement, et les individus qui fuient les violences méritent la protection.
De nombreux citoyens soudanais ont en effet trouvé refuge au Soudan du Sud, pays qui a obtenu son indépendance du Soudan en 2011 mais qui reste frappé par une instabilité chronique. Le Soudan est quant à lui en guerre depuis avril 2023, avec des combats opposant l’armée régulière dirigée par le général Burhane aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) menés par le général Mohamed Hamdane Daglo.
Le spectre d’une propagation régionale des violences
Cette flambée de violence à Juba et dans d’autres villes du Soudan du Sud, dirigée contre des ressortissants soudanais, fait craindre un risque d’embrasement régional. Les liens entre les deux pays restent forts malgré l’indépendance du Sud, et les tensions au Soudan pourraient rapidement se propager de l’autre côté de la frontière.
Les autorités sud-soudanaises vont devoir faire preuve d’une grande fermeté pour calmer la situation et éviter une escalade incontrôlable. Le couvre-feu nocturne décrété semble être un premier pas, mais il faudra sûrement d’autres mesures et surtout beaucoup de dialogue pour apaiser les esprits échauffés par les rumeurs d’exactions contre les Sud-Soudanais de l’autre côté de la frontière.
C’est tout un équilibre régional précaire qui est aujourd’hui menacé par ces violences. Le Soudan du Sud, déjà fragilisé par des années de guerre civile et de conflits interethniques, pourrait à son tour basculer dans une spirale incontrôlable si le gouvernement ne parvient pas à reprendre rapidement le contrôle de la situation. La communauté internationale, déjà très préoccupée par la guerre qui ravage le Soudan voisin, suit avec inquiétude l’évolution de la situation à Juba et dans le reste du pays.
Un avenir incertain pour la région
Au-delà du sort des populations civiles directement menacées par ces violences, c’est toute la stabilité et le développement de cette région de l’Afrique qui sont en jeu. Le Soudan du Sud, pays parmi les plus pauvres au monde malgré ses importantes réserves pétrolières, a cruellement besoin de paix et de sécurité pour espérer reconstruire son économie et ses infrastructures.
De même, le Soudan voisin doit absolument trouver une issue à la guerre qui le déchire depuis plus d’un an, sous peine de voir la situation humanitaire déjà catastrophique s’aggraver encore. Mais avec ces nouvelles violences qui embrasent le Soudan du Sud, c’est un facteur d’instabilité supplémentaire qui s’ajoute dans une région déjà sous haute tension.
Il revient maintenant aux responsables politiques des deux pays, ainsi qu’aux acteurs régionaux et internationaux, de tout mettre en œuvre pour éviter l’embrasement général. Une désescalade rapide est indispensable à Juba, tandis que les efforts diplomatiques doivent s’intensifier pour tenter de trouver une issue à la crise soudanaise. Sans cela, c’est toute une région qui pourrait sombrer durablement dans la violence, réduisant à néant les espoirs de paix et de développement portés par l’indépendance du Soudan du Sud il y a tout juste 12 ans.
