Jeudi, Taïwan a procédé à sa première exécution en près de cinq ans, brisant ainsi un moratoire de fait sur l’application de la peine capitale. Huang Lin-kai, 32 ans, reconnu coupable d’avoir étranglé son ex-petite amie et la mère de celle-ci en 2017, a été fusillé en fin de journée. Cette exécution, la première depuis l’investiture du président Lai Ching-te en mai 2024, a rapidement suscité une vague d’indignation parmi les défenseurs des droits de l’homme.
Un Crime « Cruel et Insensible » selon les Autorités
Le ministère de la justice taïwanais a qualifié les crimes commis par Huang Lin-kai de « cruels et insensibles », « déshumanisants » et « extrêmement vicieux ». Selon les autorités, la culpabilité du condamné était « extrêmement grave », justifiant ainsi le recours à la peine de mort. Depuis la levée d’un moratoire en 2010, Taïwan a procédé à 36 exécutions.
Un Bilan Contrasté selon les Présidences
Le rythme des exécutions a fortement varié en fonction des présidences successives :
- 33 exécutions sous Ma Ying-jeou (2008-2016), du parti Kuomintang
- Seulement 2 exécutions sous Tsai Ing-wen (2016-2024), du Parti Démocrate Progressiste (PDP)
- Première exécution sous Lai Ching-te, également issu du PDP, dès sa première année de mandat
La Cour Constitutionnelle Tente de Limiter la Peine Capitale
En septembre dernier, la Cour Constitutionnelle taïwanaise avait pourtant statué que la peine de mort devait être « limitée à des circonstances spéciales et exceptionnelles ». Une décision vivement critiquée par le Kuomintang, principal parti d’opposition, qui y voyait une abolition de fait de la peine capitale.
Amnesty International Dénonce un « Recul Considérable » pour les Droits Humains
De son côté, Amnesty International a exprimé son indignation par la voix de son directeur pour Taïwan, E-ling Chiu. Qualifiant cette exécution de « développement cruel et choquant », il a déclaré :
« Le ministre de la justice de Taïwan, d’un simple trait de plume, a réduit à néant plusieurs années de progrès laborieux vers l’abolition de la peine de mort. Il s’agit d’un recul considérable pour les droits de l’homme à Taïwan. »
L’Union Européenne Appelle à un Moratoire et à l’Abolition
L’Union Européenne a également condamné « dans les termes les plus forts » le crime commis par Huang Lin-kai, tout en réaffirmant son opposition à la peine capitale « en toutes circonstances ». Elle a ainsi appelé Taïwan à appliquer un moratoire de facto et à mener une politique cohérente en vue de l’abolition totale de la peine de mort.
Le Kuomintang Réclame l’Exécution des Condamnés Restants
À l’inverse, le Kuomintang a demandé au gouvernement d’exécuter les 36 condamnés à mort restants dès l’issue de leur procédure judiciaire. Un appel en totale contradiction avec la tendance abolitionniste qui semblait se dessiner ces dernières années à Taïwan.
Une Opinion Publique Majoritairement Favorable à la Peine de Mort
Malgré son statut de démocratie progressiste en Asie, Taïwan reste en effet profondément attachée à la peine capitale. Selon les sondages, une nette majorité de Taïwanais soutient le maintien de la peine de mort, rendant son abolition politiquement délicate pour les autorités.
L’exécution de Huang Lin-kai marque donc un tournant majeur dans le débat sur la peine de mort à Taïwan. Entre volonté abolitionniste et pression de l’opinion, le gouvernement va devoir clarifier sa position dans les mois à venir. Une chose est sûre : les défenseurs des droits de l’homme, à Taïwan comme à l’international, restent plus que jamais mobilisés pour mettre fin à cette pratique controversée.