À 88 ans, le Pape François multiplie les confidences sur son parcours personnel et sa vision de l’Église. Après une première autobiographie parue il y a dix mois, le souverain pontife récidive avec un nouvel ouvrage sobrement intitulé « Espère », disponible cette semaine en librairie. Si ce livre n’apporte pas de grandes révélations, il offre néanmoins un éclairage intime sur la jeunesse et les convictions de Jorge Mario Bergoglio.
Une jeunesse argentine marquée par le péronisme
Né en 1936 à Buenos Aires dans une famille d’origine italienne, le jeune « Gorge » grandit dans le quartier populaire de Flores. Son enfance et son adolescence sont profondément marquées par le péronisme, ce mouvement politique initié par Juan Perón qui prône la justice sociale et un fort interventionnisme étatique. Comme de nombreux Argentins de sa génération, Bergoglio est séduit par cette « troisième voie » entre capitalisme et communisme.
Dans son autobiographie, le Pape évoque avec nostalgie cette époque où il s’engage avec enthousiasme aux côtés des descamisados, les « sans-chemises » qui constituent la base du péronisme. Il participe à des réunions politiques, distribue des tracts et rêve d’une société plus juste. Une expérience fondatrice qui forgera chez lui une sensibilité de gauche et un attachement aux plus pauvres.
Une passion pour la politique
Au-delà de son engagement péroniste, le Pape François confie dans son livre sa fascination de jeunesse pour la politique en général. Étudiant brillant, il songe un temps à une carrière diplomatique avant d’être rattrapé par sa vocation religieuse. Mais même en entrant au séminaire puis en gravissant les échelons de la hiérarchie ecclésiastique, il ne perdra jamais son intérêt pour les affaires du monde.
La politique est la forme la plus haute de la charité.
Pape François
Une conviction que le Pape argentin n’a cessée de marteler depuis son élection en 2013, n’hésitant pas à prendre position sur des sujets brûlants comme les migrants, l’écologie ou les inégalités. Une parole engagée qui tranche avec la réserve traditionnelle du Vatican, suscitant l’enthousiasme des progressistes mais aussi les critiques des milieux conservateurs.
Des critiques contre les traditionnalistes
Car depuis le début de son pontificat, François est la cible de vives attaques de la frange la plus traditionnaliste de l’Église catholique, qui lui reproche sa trop grande ouverture et son supposé laxisme doctrinal. Des critiques auxquelles le Pape répond sans détour dans son autobiographie, fustigeant « le pharisaïsme » et « la rigidité » de ses détracteurs :
Ils disent défendre la tradition, mais en réalité ils la momifient. Ils en font une idéologie au service de leurs intérêts.
Pape François
Des propos qui ne manqueront pas de faire réagir ses opposants les plus farouches, déjà remontés par certaines décisions récentes du Pape, comme la restriction de la messe en latin ou les sanctions contre des évêques réfractaires. Mais François l’assume, revendiquant une ligne réformiste dans la continuité de Vatican II.
Un Pape soucieux de sa postérité
Au crépuscule de son pontificat, le Pape argentin semble en tout cas déterminé à laisser son empreinte et à défendre son bilan. La publication coup sur coup de deux autobiographies en témoigne, comme s’il cherchait à prendre de vitesse ses futurs biographes. Un souci de maîtriser son image et son héritage qui transparaît aussi dans le soin apporté à différentes nominations stratégiques ces derniers mois.
S’il assure ne pas songer à démissionner malgré des ennuis de santé croissants, François prépare néanmoins le terrain pour « l’après ». Conscient que la bataille pour sa succession s’annonce âpre entre réformateurs et conservateurs, il place ses pions et consolide son camp. Tout en cultivant sa popularité intacte auprès des fidèles et de l’opinion, meilleur rempart contre ses adversaires.
Cette nouvelle autobiographie, sans apporter de révélations fracassantes, offre donc une fenêtre sur la personnalité complexe de Jorge Mario Bergoglio. Un Pape atypique, porté par de fortes convictions forgées dans sa jeunesse argentine, qui aura marqué l’Église par son style direct, son engagement social et son volontarisme réformateur. Non sans se faire de solides inimitiés parmi les tenants de la tradition. L’histoire retiendra sans doute cette figure clivante mais attachante, qui aura insufflé un vent de changement sur le Vatican, sans toujours aller au bout de ses intuitions. Son héritage sera à coup sûr âprement disputé.