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Procès des ex-dirigeants d’Artsakh : Bakou en quête de légitimité

Bakou juge les ex-dirigeants d'Artsakh pour "terrorisme" et "séparatisme". Un procès très politique qui vise à effacer toute trace de l'ex-république. Mais l'Azerbaïdjan pourrait lui-même avoir à répondre de ses actes devant la justice internationale...

En ce vendredi 17 janvier 2025, un procès très attendu s’ouvre à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. Sur le banc des accusés : dix-sept anciens dirigeants de la république d’Artsakh, ce territoire peuplé d’Arméniens qui a été conquis par l’armée azérie lors d’une offensive éclair en septembre 2023. Parmi eux, l’ex-ministre d’État Ruben Vardanyan et trois anciens présidents. Les chefs d’accusation sont lourds : « terrorisme », « séparatisme », « crimes de guerre »… Un procès éminemment politique qui soulève de nombreuses questions.

La fin tragique de la république d’Artsakh

Pour comprendre les enjeux de ce procès, il faut revenir sur la courte mais intense guerre de septembre 2023. En à peine quelques jours, l’armée azerbaïdjanaise, forte de son écrasante supériorité militaire, a envahi la quasi-totalité du Haut-Karabakh, ce territoire montagneux peuplé majoritairement d’Arméniens qui avait proclamé son indépendance en 1991 sous le nom de république d’Artsakh.

Comme 100 000 de ses compatriotes, Ruben Vardanyan, l’ex-ministre d’État de l’Artsakh, a tenté de fuir vers l’Arménie voisine. Mais il a été arrêté à la frontière par les forces azéries le 27 septembre. La photo de cet homme d’affaires charismatique, les mains dans le dos entouré de soldats, a fait le tour du monde.

Les autorités de l’Artsakh, contraintes par la force, ont dû signer la dissolution de leurs institutions. Depuis le 1er janvier 2024, la république d’Artsakh a cessé d’exister.

Un tribunal militaire pour juger des civils

Quinze mois après leur arrestation, Ruben Vardanyan et seize autres dirigeants comparaissent donc devant un tribunal militaire à Bakou. Un choix contesté par leurs avocats, car plusieurs des accusés n’ont jamais porté l’uniforme. Ils dénoncent aussi le manque d’indépendance de la justice azerbaïdjanaise, sous l’emprise totale du régime autoritaire d’Ilham Aliev selon l’ONG Freedom House.

Avant même l’ouverture du procès, j’ai constaté des violations graves aux garanties d’un procès équitable, en totale infraction avec les normes juridiques internationales.

Jared Genser, avocat de Ruben Vardanyan

Vardanyan, cible privilégiée de Bakou

Âgé de 54 ans, Ruben Vardanyan est la cible numéro un des autorités azéries. Cet homme d’affaires prospère avait quitté la Russie après la guerre de 2020 pour venir en aide à sa patrie d’origine, le Haut-Karabakh. Très actif médiatiquement, il avait été nommé au prix Nobel de la Paix en 2024 pour son action humanitaire. Il risque désormais la prison à vie pour pas moins de 44 chefs d’accusation, dont « planification d’une guerre d’agression », « terrorisme » ou « création de groupes armés illégaux ».

Effacer toute trace de l’Artsakh

Pour ses défenseurs, ce procès vise un objectif politique : effacer définitivement des mémoires l’existence-même de l’Artsakh en tant qu’entité autonome. Le président Aliev considère les accusés comme des « criminels » ayant commis des « actes de vandalisme » contre l’Azerbaïdjan. Depuis la chute de l’URSS, Bakou n’a eu de cesse de nier la légitimité de ce territoire en le qualifiant de « séparatiste », au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Aliev lui-même passible de poursuites internationales ?

Mais d’aucuns estiment qu’Ilham Aliev pourrait lui-même avoir des comptes à rendre devant la justice internationale pour la façon dont il a mené la reconquête de l’Artsakh, au prix de centaines de victimes civiles. Le 17 janvier 2024, le Sénat français avait voté une résolution demandant la libération des dirigeants « arbitrairement détenus ». Certains réclament même que le président azéri soit traduit devant la Cour Pénale Internationale pour répondre de possibles crimes de guerre.

Ce procès s’annonce donc comme un nouveau bras de fer diplomatique autour du statut du Haut-Karabakh. Si nul ne conteste la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur ce territoire, la communauté internationale sera attentive au sort réservé aux anciens dirigeants de l’Artsakh et au respect de leurs droits. Un enjeu crucial pour l’image de Bakou mais aussi pour l’avenir des derniers Arméniens restés sur place, dont les écoles et les églises sont menacées d’effacement culturel. L’histoire tourmentée de cette région du Caucase est loin d’avoir livré son dernier mot.

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