Perchés sur des collines escarpées autour de Los Angeles, des centaines de détenus s’échinent sous le soleil brûlant, une scie à la main. Leur mission : ouvrir des lignes coupe-feu pour tenter de circonscrire les incendies dévastateurs qui ravagent la ville depuis le 7 janvier. Un travail éreintant, dangereux, mais aussi une opportunité inespérée de rédemption pour ces hommes marqués par un passé tumultueux.
Une deuxième chance à saisir
Jacob Castro fait partie de ces prisonniers pompiers. Après 29 années passées derrière les barreaux, il savoure chaque instant en extérieur, même dans ces conditions extrêmes. « C’est la première chose que je fais dans ma vie dont je suis fier », confie-t-il lors d’une courte pause, la voix chargée d’émotion. Comme lui, ils sont plus de 900 détenus à avoir été mobilisés pour prêter main forte aux soldats du feu.
Cette expérience unique est l’occasion pour eux de prouver leur valeur, de se racheter aux yeux de la société. Maurice Griffin, qui en est à sa troisième saison dans ce programme, l’assure : « Ça a vraiment fait une différence dans ma vie. J’apprécie de ne pas être en prison, d’être dehors pour changer et sauver des vies ». Un sentiment partagé par Felix Nolasco, 28 ans, pour qui ce travail d’équipe au service de la communauté est « une formidable opportunité de changer ».
Un entraînement exigeant
Mais décrocher une place dans l’un des camps d’entraînement à la lutte anti-incendie gérés par l’administration pénitentiaire californienne n’est pas chose aisée. Les candidats doivent faire leurs preuves et redoubler d’efforts en détention. Une fois sélectionnés, ils suivent une formation intensive pour apprendre à manier les outils, dégager la végétation, éteindre les flammes, le tout dans des conditions souvent périlleuses.
Sur le terrain, ils se distinguent seulement des pompiers professionnels par leur uniforme orange. Affectés aux tâches les plus ardues, ils peuvent enchaîner des gardes de 24 heures, dormant à même le sol. Un labeur éprouvant, « sans aucun doute l’une des choses les plus difficiles » qu’ils aient faites, confie Maurice Griffin. Mais tous sont conscients de la portée de leur engagement.
Un « apport significatif » malgré une rémunération dérisoire
Les équipes de détenus font désormais partie intégrante du dispositif de lutte contre les incendies qui ont déjà fait plus de 20 morts et détruit près de 2800 bâtiments à Los Angeles. Leur aide est jugée précieuse par les pompiers. « Ils travaillent très dur. Leur apport est significatif, sans eux nos équipes seraient grandement diminuées », souligne le capitaine Joseph Cruz.
Pourtant, leur dévouement fait polémique en raison de leur très faible rémunération : entre 5,80 et 10,24 dollars par jour, avec un dollar supplémentaire de l’heure lors des interventions d’urgence, selon l’administration pénitentiaire. Un sujet épineux qui a fait réagir jusqu’à Kim Kardashian, dénonçant sur les réseaux sociaux le fait que ces prisonniers « risquent leur vie pour nous sauver » tout en étant « quasiment pas payés ».
Malgré la controverse, les détenus pompiers restent concentrés sur leur mission et les perspectives qu’elle peut leur ouvrir. Comme Santana Felix Nolasco, qui espère pouvoir troquer un jour son uniforme orange contre la tenue jaune des pompiers professionnels californiens. En attendant, lui et ses co-équipiers continuent inlassablement d’arpenter les collines calcinées, avec pour seule ambition de sauver des vies et de se reconstruire.
« Cette expérience a changé ma vie. Le but, c’est qu’ils changent de comportement, qu’ils se débarrassent des habitudes qui ont pu les mener là où ils sont. Et si l’un d’entre eux a une carrière par la suite, je pourrais mourir tranquille, ça aura valu le coup. »
Capitaine Joseph Cruz.
Un pari audacieux et un message d’espoir pour ces hommes qui se battent au péril de leur vie pour se forger un avenir meilleur. Dans le brasier des incendies californiens, c’est aussi le feu d’une renaissance intérieure qui semble s’être allumé.