C’est un tournant majeur qui s’annonce dans l’industrie aérospatiale européenne. Après des mois de suspense, le gouvernement italien vient de donner son feu vert au groupe français Safran pour l’acquisition de Microtecnica, filiale italienne de l’américain Collins Aerospace spécialisée dans les commandes de vol. Une opération à 1,8 milliard de dollars qui promet de redistribuer les cartes au sein d’un secteur hautement stratégique.
L’Italie lève son veto sur un joyau technologique
Initialement, Rome avait mis son veto à la vente de Microtecnica, faisant usage de son “golden power” qui lui confère des prérogatives spéciales dans les secteurs jugés stratégiques comme la défense. Des craintes avaient notamment été exprimées quant à de potentielles ruptures d’approvisionnement en pièces de rechange pour les avions de combat Eurofighter et Tornado dont Microtecnica est un fournisseur clé.
Mais Safran a su rassurer en prenant “un certain nombre d’engagements” pour préserver les intérêts nationaux italiens. Le géant français, qui pèse plus de 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires, s’est notamment engagé à maintenir les activités et l’emploi de Microtecnica en Italie.
Un actif clé pour les ambitions de Safran
Si le groupe tricolore tenait tant à mettre la main sur Microtecnica, c’est que cette société de 700 employés représente un maillon essentiel dans sa stratégie de croissance externe. Avec 15% du chiffre d’affaires de la division commandes de vol de Collins Aerospace, l’entreprise italienne dispose d’un savoir-faire pointu et de positions fortes sur des programmes aéronautiques d’envergure.
Cette acquisition s’inscrit dans notre stratégie d’être un leader mondial dans le domaine des commandes de vol pour l’aviation civile et militaire.
– Olivier Andriès, Directeur Général de Safran
Un coup d’accélérateur pour la consolidation européenne
Au-delà du cas Microtecnica, cette opération confirme la tendance à la consolidation qui travaille l’industrie aérospatiale européenne ces dernières années. Face à la concurrence américaine et asiatique, les grands groupes du Vieux Continent cherchent à atteindre une taille critique en procédant à des acquisitions ciblées.
- En 2017, Safran avait déjà mis la main sur Zodiac Aerospace pour 8,7 milliards d’euros
- Thales a racheté Gemalto en 2019 pour 4,8 milliards d’euros
- Airbus a fait l’acquisition de certaines activités de Bombardier
Des mouvements qui posent la question de la souveraineté industrielle européenne face aux géants mondiaux et de la nécessité pour les États de garder un droit de regard sur certains fleurons technologiques.
Quelle suite pour l’opération Microtecnica ?
Si l’aval du gouvernement italien lève un obstacle majeur, la vente de Microtecnica à Safran n’est pas encore totalement bouclée. L’opération reste soumise à l’approbation des autorités de la concurrence et devra aussi recevoir le feu vert de Londres, Microtecnica disposant d’une filiale au Royaume-Uni.
Mais Safran se veut confiant et prévoit de finaliser l’acquisition “dans les prochains mois”. Le groupe aura alors les coudées franches pour mettre en œuvre les synergies industrielles et technologiques avec sa nouvelle pépite italienne. Avec à la clé, l’ambition de créer un leader mondial des commandes de vol, au service de la compétitivité de la filière aérospatiale européenne.
Une page se tourne pour Microtecnica, fleuron de l’industrie transalpine. Mais le rachat par Safran pourrait aussi lui ouvrir de nouveaux horizons au sein d’un groupe aux ramifications mondiales. Affaire à suivre dans un secteur qui n’a pas fini de se restructurer.
