L’énergie nucléaire est à l’aube d’une nouvelle ère. Selon un rapport récent de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire devrait atteindre un niveau record en 2025, représentant près de 10% de la production mondiale. Cependant, derrière cette croissance se cache un changement géographique majeur : le centre de gravité du nucléaire civil est en train de basculer de l’Occident vers la Chine.
Un nouvel âge d’or pour le nucléaire
Malgré les défis et les controverses, le nucléaire semble retrouver ses lettres de noblesse. Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, l’affirme sans détour :
Nous entrons dans une nouvelle ère pour l’énergie nucléaire. En 2025, la production d’électricité d’origine nucléaire sera la plus élevée de l’histoire.
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE
Cette renaissance est portée par plusieurs facteurs. D’abord, l’électrification croissante des usages, de l’industrie aux véhicules en passant par le numérique, crée une demande massive d’électricité « stable et flexible ». Ensuite, plus de 70 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires sont en construction, un niveau inédit depuis 30 ans. Enfin, le nucléaire apparaît comme un atout clé pour décarboner la production électrique et renforcer l’indépendance énergétique des pays.
La Chine, nouveau leader du nucléaire civil
Si le nucléaire retrouve des couleurs, c’est en grande partie grâce à la Chine. L’empire du Milieu est en effet en train de prendre le leadership de l’atome civil, au détriment des acteurs historiques occidentaux. Sur les 52 réacteurs dont la construction a débuté depuis 2017 dans le monde, 25 sont de conception chinoise.
En parallèle, les États-Unis et l’Europe marquent le pas, pénalisés par les coûts élevés et les retards de leurs projets. D’ici 5 ans, la Chine devrait dépasser les USA et l’UE pour devenir la première puissance nucléaire mondiale. Une bascule géostratégique majeure.
Des défis d’approvisionnement et de sûreté
Cette montée en puissance chinoise n’est pas sans poser question, notamment en termes d’approvisionnement en combustible et d’indépendance. Aujourd’hui, plus de 99% des capacités mondiales d’enrichissement d’uranium sont aux mains de 4 acteurs seulement : la Chine (15%), la Russie (40%), Urenco (33%) et Orano (12%).
Cette concentration, en particulier la position dominante russe, représente « un défi important » selon l’AIE. Elle soulève des enjeux de diversification et de sécurité d’approvisionnement pour les pays qui misent sur le nucléaire.
L’innovation au coeur du renouveau nucléaire
Pour répondre à ces défis, l’industrie nucléaire mise sur l’innovation. C’est le cas avec les petits réacteurs modulaires (SMR), une technologie en plein essor destinée à électrifier des sites industriels ou produire de la chaleur de façon décentralisée.
Dans 15 ans, le coût des SMR sera compétitif face à l’éolien offshore ou aux grands projets hydroélectriques.
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE
Ces mini-réacteurs suscitent un intérêt croissant des entreprises technologiques, en particulier celles développant l’intelligence artificielle et gérant des data centers énergivores. Leur besoin : une électricité pilotable et disponible 24h/24.
Le nucléaire, un atout climatique sous-estimé
Au-delà des débats sur les risques, le nucléaire peut s’enorgueillir d’un bilan carbone très favorable. Depuis 1971, il a permis d’éviter l’émission de 72 gigatonnes de CO2 en se substituant aux énergies fossiles. C’est presque deux années d’émissions mondiales.
À l’heure où l’urgence climatique impose une décarbonation rapide de nos économies, cette contribution est loin d’être anecdotique. Si le mix bas-carbone sera d’abord porté par les énergies renouvelables, le nucléaire aura un rôle complémentaire à jouer pour une transition abordable et pilotable.
L’avenir dira si cette « nouvelle ère » du nucléaire tiendra ses promesses. Une chose est sûre : dans un monde énergétique en mutation, l’atome n’a pas dit son dernier mot. Et la Chine compte bien en être l’un des principaux acteurs.