C’est une petite bombe diplomatique qui vient d’être lâchée à Washington. Lors de son audition de confirmation devant le Sénat, Marco Rubio, pressenti pour devenir le prochain Secrétaire d’État de Donald Trump, n’a pas mâché ses mots au sujet de Kim Jong Un, le dirigeant nord-coréen. Une prise de position en rupture apparente avec la ligne suivie jusqu’ici par le président républicain, qui avait développé des relations personnelles étroites avec le maître de Pyongyang.
Kim Jong Un, un « dictateur » de 40 ans selon Rubio
Devant les sénateurs, Marco Rubio a décrit sans détour Kim Jong Un comme « un dictateur âgé d’à peu près 40 ans qui doit trouver comment conserver le pouvoir le restant de sa vie ». Une caractérisation peu flatteuse et politiquement incorrecte, à mille lieues de « l’homme incroyable » et « très ouvert » dépeint par Trump après leur premier sommet à Singapour en 2018.
Pour le sénateur de Floride, la survie du régime est l’obsession numéro un du jeune dirigeant nord-coréen, qui voit dans l’arme atomique « sa police d’assurance pour rester au pouvoir ». Un constat lucide qui tranche avec l’optimisme béat affiché à plusieurs reprises par Trump quant aux intentions de son « ami » Kim.
L’inefficacité des sanctions internationales pointée du doigt
Rubio a également souligné l’échec des sanctions économiques pour faire plier Pyongyang. « C’est tellement important pour lui qu’aucune quantité de sanctions ne l’a dissuadé de développer cette capacité nucléaire », a-t-il affirmé, remettant en cause l’un des principaux leviers de la communauté internationale face à la menace nord-coréenne.
Une analyse qui fait écho aux avertissements de nombreux experts, pour qui les mesures punitives n’ont fait que renforcer la détermination du régime à se doter coûte que coûte de la bombe, perçue comme l’ultime garantie de sa pérennité.
Éviter une crise sans encourager la prolifération
Pour autant, le probable futur chef de la diplomatie américaine n’entend pas baisser la garde. « Que pouvons-nous faire pour empêcher une crise sans encourager d’autres États à tenter de développer leur propre programme d’arme nucléaire ? C’est la solution à laquelle nous souhaitons parvenir », a-t-il plaidé, soulignant l’épineux dilemme auquel sont confrontés les États-Unis.
Un équilibre périlleux entre fermeté et dialogue qui constituera sans nul doute l’un des principaux défis du futur locataire de Foggy Bottom, alors que les négociations sur la dénucléarisation sont au point mort depuis l’échec retentissant du sommet de Hanoï en 2019.
La méthode Trump saluée malgré ses limites
Malgré ses réserves initiales, Marco Rubio a néanmoins rendu hommage à l’approche de Donald Trump, faite d’audace et de rupture avec le passé. « Au bout du compte, il n’a pas atteint (un accord) durable. Mais il a réussi (…) à faire cesser les tests de missiles », a-t-il reconnu, saluant un succès certes partiel mais bien réel de la « diplomatie trumpienne ».
Le sénateur a toutefois nuancé son propos, notant que le moratoire sur les essais n’avait « pas arrêté le développement du programme » nucléaire et balistique nord-coréen, qui se poursuit en coulisses malgré le rapprochement spectaculaire entre les deux dirigeants.
Une relation personnelle qui interroge
Les confidences de Trump sur sa relation épistolaire avec Kim Jong Un, amplement relayées dans les médias, ont également suscité des interrogations. « Kim me dit tout. Il m’a tout dit », s’était vanté le président américain au journaliste Bob Woodward, laissant entendre qu’il tenait des informations exclusives de son homologue.
Une proximité troublante qui avait conduit Trump à prédire, pendant sa campagne, que Kim Jong Un « aimerait » le voir réinstallé à la Maison Blanche. Cette connivence affichée, inédite entre un président américain et un dictateur communiste, avait laissé plus d’un observateur perplexe.
Quelle stratégie pour l’administration Biden ?
Au-delà du choc des mots, la position de Marco Rubio reflète le défi qui attend l’administration Biden sur le dossier nord-coréen. Après les ouvertures historiques et les promesses grandiloquentes de l’ère Trump, place désormais à un pragmatisme teinté de prudence. L’heure est à la clarification des objectifs et à la redéfinition d’une stratégie cohérente, loin des coups d’éclat médiatiques.
Le futur Secrétaire d’État aura fort à faire pour renouer le fil du dialogue avec Pyongyang, tout en maintenant une pression constante pour obtenir des avancées tangibles vers la dénucléarisation. Un exercice d’équilibriste périlleux, qui nécessitera tout le doigté et l’expérience de ce fin connaisseur des arcanes de Washington.
Une chose est sûre : en qualifiant Kim Jong Un de « dictateur », Marco Rubio a donné le ton de ce qui s’annonce comme un changement de cap dans la politique nord-coréenne des États-Unis. Reste à savoir si cette inflexion rhétorique se traduira par des actes concrets sur le terrain diplomatique. L’avenir de la péninsule coréenne en dépend largement.